Tout a commencé le soir du mercredi 8 mars, avec l’annonce de la mise en liquidation de l’établissement Silvergate Bank, petite banque régionale devenue la destination favorite du milieu des cryptomonnaies. Victime d’une série d’accidents industriels dans l’univers crypto, en particulier l’implosion de la plateforme d’échanges FTX, l’institution de La Jolla (Californie) a été victime d’une vague de retraits précipités qui l’ont rendu incapable d’honorer ses engagements.
Le même soir, une autre banque, de taille nettement plus importante, Silicon Valley Bank (SVB), annonce qu’elle fait face, elle aussi, à des retraits inattendus. Banque favorite du secteur technologique, SVB est victime du ralentissement de la nouvelle économie. Les fonds de capital-investissement puisent dans les caisses car les levées de fonds sont plus difficiles. Quant aux startups, elles ont un besoin chronique de cash pour financer leur croissance.
Elle est aussi mise sous pression, comme d’autres banques, par le resserrement monétaire brutal de la banque centrale américaine (FED). Les banques effectuent la majorité de leurs emprunts à court terme, pour prêter à long terme.
Ordinairement, elles profitent ainsi du fait que les taux courts sont nettement moins élevés que leur équivalent à long terme. Mais le durcissement monétaire de la Fed a provoqué le phénomène inverse et rogné les marges des banques.
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Dans une présentation léchée, SVB met en avant, mercredi, la solidité de son bilan et la part relativement faible de ses prêts par rapport aux dépôts. Mais outre la baisse de ses dépôts, elle annonce lancer une augmentation de capital de 2,25 milliards de dollars.
Elle révèle aussi avoir vendu, en urgence, un portefeuille massif de 21 milliards de dollars de titres financiers pour assurer ses réserves en cash, avec une perte de 1,8 milliard de dollars à la clef.
Course contre la montre
Il n’en faut pas plus pour alerter investisseurs et clients, qui se ruent sur leurs avoirs dès le lendemain. Sur la seule journée de jeudi, SVB reçoit quelque 42 milliards de dollars d’ordres de retrait. Même sans avoir pu honorer toutes ces demandes, elle affiche jeudi soir une trésorerie négative de près d’un milliard, signe qu’elle avait transféré plus de numéraire qu’elle n’en avait en caisse.
SVB est aussi martyrisée en Bourse, où son action fondait de 60% sur la séance. Vendredi 10 mars, la cotation du titre est suspendue, avant que l’Agence de garantie des dépôts (FIDC) n’annonce qu’elle prenait le contrôle de l’établissement, exsangue et incapable de trouver un repreneur.
Les grandes banques de la place restent relativement préservées, mais plusieurs institutions moyennes ou régionales accusent le coup. La New-Yorkaise Signature Bank, la Californienne PacWest ou Western Alliance, basée à Phoenix (Arizona), lâchent toutes plus de 20% sur la journée.
Beaucoup s’inquiètent du sort des dépôts de SVB, dont seuls 4% des 170 milliards de dollars détenus au total sont couverts par le mécanisme de garantie de la FDIC, qui assure jusqu’à 250.000 dollars par client et par banque. Le secteur de la tech redoute un bain de sang, faute de pouvoir accéder aux fonds déposés chez SVB, mais au-delà, l’anxiété se propage aux particuliers et entreprises d’autres secteurs.
Dimanche, la Fed, le Trésor américain et la FDIC sortent l’artillerie lourde et promettent que les clients pourront retirer la totalité des dépôts de SVB. Au passage, les autorités américaines révèlent que Signature Bank, 21e banque du pays, a été fermée d’office dimanche et que ses clients bénéficieront du même dispositif que ceux de Silicon Valley Bank.
Au-delà, la Fed déploye sa puissance financière illimitée et offre de prêter aux autres établissements qui pourraient en avoir besoin pour honorer des retraits. Au terme d’une course contre la montre, les autorités américaines espèrent avoir rétabli la confiance des Américains dans leur système bancaire avant la réouverture des marchés, ce lundi.