Au moment où Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée algérienne, reprend ses tournées dans les différentes régions militaires du pays dans le seul but d’accentuer la peur des Algériens vis-à-vis de leur armée, tout en servant à ses troupes des réchauffés sur le colonialisme français et le soutien au Polisario, les tribunaux se mettent à leur tour à agiter l’éventail du terrorisme et du ciblage de l’Algérie par de prétendus ennemis extérieurs.
C’est dans ce cadre que les médias officiels algériens ont annoncé mardi 16 janvier que «le tribunal criminel de Dar El-Beïda (Alger), a requis des peines allant de 15 ans de prison ferme à la perpétuité à l’encontre de 24 individus appartenant au mouvement terroriste “MAK”, poursuivis pour actes terroristes et de sabotage visant la sécurité de l’État et l’unité nationale». Sept autres accusés, dits «en fuite», dont le président du MAK, le poète et chanteur Ferhat Mehenni, seront également condamnés dans cette affaire.
S’ils s’accordent sur le nombre de personnes poursuivies (31 prévenus) et leur appartenance présumée au MAK, les médias algériens divergent quant aux faits qui leur sont reprochés. Selon l’agence de presse officielle APS, «certains de ces accusés appartenaient à un groupe activant via Facebook sous l’appellation “Tamazgha-Israël” et entretenant des contacts permanents avec l’entité sioniste dans le but de déstabiliser l’Algérie et de porter atteinte à son unité nationale».
Mais d’après le journal Echorouk, ces militants du MAK fournissaient des renseignements sur l’Algérie au Mossad (services secrets israéliens), «à travers des échanges sur les réseaux sociaux avec les sionistes, via un groupe sur Facebook appelé “Nous sommes tous Israël”, où le MAK sollicite Israël en vue de l’aider à faire sécession de l’Algérie». Sauf que ce n’est pas le fusil mitrailleur Kalachnikov et autres cartouches pour fusil de chasse, présumés retrouvés chez ces militants du MAK, mouvement affichant clairement son pacifisme, qui vont lui permettre de recouvrer l’indépendance de la Kabylie. Surtout quand on découvre que la page Facebook incriminée, “Tamazgha-Israël”, créée en 2013, n’affiche à ce jour que 3.200 membres.
Par ailleurs, l’adjonction du nom de Ferhat Mehenni dans cette affaire n’est qu’une façon de donner de l’ampleur à un dossier judiciaire vide, car le président du MAK, sous le coup d’«un mandat international» qu’aucun pays n’a pris en compte, a été déjà condamné par contumace, en novembre 2022, à la prison à vie. Il serait poursuivi aujourd’hui pour avoir salué l’élection du Maroc à la présidence du Conseil des droits de l’homme de l’ONU.
Le 11 janvier courant, suite à la cuisante défaite de l’Afrique du Sud, soutenue par l’Algérie, face au Maroc, qui a remporté haut la main (par 30 voix contre 17) la présidence pour 2024 du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Ferhat Mehenni s’est réjoui de cette élection dans une publication sur X (anciennement Twitter). Selon lui, la présidence marocaine va permettre de sensibiliser la communauté internationale aux sévices subis par les militants pacifistes du MAK.
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«Je salue l’élection du représentant permanent du Maroc, M. Omar Zniber, à la tête du Conseil des droits humains de l’ONU pour l’année 2024. Le vote a eu lieu hier à Genève. Malgré une campagne acharnée de l’Algérie pour lui barrer la route, le candidat marocain a obtenu les deux tiers des voix face à son rival sud-africain pour lequel l’Algérie faisait campagne. Ceci est d’autant à saluer pour nous que la voix de la Kabylie aurait été étouffée si le candidat parrainé par Alger était élu. L’Algérie aurait alors, avec son accession au poste de membre non permanent au Conseil de Sécurité, fait obstruction à toute dénonciation onusienne des graves violations des droits humains sur des Kabyles du fait de l’article scélérat 87 bis, assimilant ces derniers à des terroristes. Vivent les droits de l’homme, à bas la dictature. Et que la Kabylie éternelle vive libre et indépendante», a-t-il écrit.
Le MAK est un épouvantail pour le régime algérien, qui a formellement interdit aux médias publics et aux officiels de prononcer ou d’écrire sa dénomination complète de «Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie». Ce mouvement indépendantiste pacifique est désigné, par les relais médiatiques et diplomatiques de la junte, par son seul acronyme de MAK, impérativement flanqué du qualificatif terroriste ou raciste.
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Le président du MAK, Ferhat Mehenni, se bat depuis plusieurs années contre le racisme et la répression dont fait l’objet le peuple kabyle en Algérie. Le slogan «Ziro kbaïli» (zéro kabyle), qui fait office de mot d’ordre dans l’armée algérienne, porte en soi, au moins, la volonté d’une ostracisation du peuple kabyle. Ferhat Mehenni est déterminé à faire de 2024 l’année de la condamnation internationale de la répression féroce des Kabyles par le régime d’Alger.