Le mal arabe

Karim Boukhari.

ChroniqueEst-ce que les pays arabes ont besoin d’être (ou de se sentir) agressés et humiliés par l’Amérique et plus généralement par l’Occident, avant de s’en prendre aux femmes et d’essayer de leur voler leur enfance? Non, pas forcément.

Le 16/11/2024 à 09h00

En Irak, le parlement s’apprête à voter une loi autorisant le mariage des filles de 9 ans. Comme moi, beaucoup parmi vous ont dû croire à une «fake news», et ils se sont accrochés, accrochés…

Mais qu’est-il donc arrivé à cette terre qui a été le berceau de tant de civilisations? Il y a une réponse facile: l’Irak a été détruit par l’Amérique, c’est le «Gharb» (Occident) qui est responsable de ses malheurs. D’accord, mais l’Amérique et l’Occident n’ont pas réintroduit le mariage des mineures.

Le Japon aussi a été détruit par l’Amérique, après la Deuxième Guerre mondiale. Pourtant, en se reconstruisant, les Japonais n’ont pas choisi l’option «retour à la case départ», avec une société féodale, à la fois inégale et extrêmement cloisonnée. Ils auraient pu parce que ce modèle-là appartient à leur histoire, voire à leurs «valeurs ancestrales». Et ce modèle a longtemps fait ses preuves…

Mais les Japonais ont choisi un autre chemin. Le traumatisme et l’humiliation de l’occupation les ont poussés à se remettre en cause. Ils ont «nettoyé» leur patrimoine de ses pratiques rétrogrades et n’ont pas hésité à emprunter ce qu’il y avait de meilleur chez leurs occupants, à commencer par la démocratie, le respect des droits humains, l’égalité entre les femmes et les hommes. Et, par-dessus tout, la liberté.

«Toute cette construction vole en éclats. On l’efface et on s’en prend, pour commencer, aux femmes: on leur vole leur enfance en relégitimant le mariage des mineures, après avoir tenté de les priver de tout plaisir sexuel.»

Si l’Irak choisit demain de fixer l’âge du consentement sexuel à 9 ans, ce n’est pas la faute de l’Amérique. Quand même! Il faut voir plus loin. Les manuels d’histoire nous ont montré que chaque fois que le Monde arabe a subi un traumatisme majeur, comme lors de l’effondrement des structures de l’État après une très lourde défaite militaire, il s’en prend souvent aux catégories les plus vulnérables de la société (femmes et minorités) et se radicalise.

C’est ce qui s’est passé en Irak, où la coalition islamiste aux affaires a prévu d’autres mesures pour «punir» la femme.

Il y a un mal rampant qui plane au-dessus de ces États et de ces sociétés. Il y a quelque chose, un détail et un réflexe, toujours le même, qui fait qu’au lieu d’aller de l’avant, ce monde arabe retourne en arrière.

La frustration liée au retard scientifique n’a d’égal que cette haine viscérale de l’Occident. On remet en cause jusqu’à cet embryon de démocratie, d’égalité et de libertés individuelles qui deviennent de fausses valeurs assimilées à cet Occident coupable.

Toute cette construction vole en éclats. On l’efface et on s’en prend, pour commencer, aux femmes: on leur vole leur enfance en relégitimant le mariage des mineures, après avoir tenté de les priver de tout plaisir sexuel: l’excision, pour rappel, est encore pratiquée dans plusieurs pays qui appartiennent à la sphère arabo-musulmane…

Ce qui protégeait l’Irak, ce n’est pas la dictature de Saddam, ni le pétrole ou le bleu du Tigre et l’Euphrate. Encore moins la baraka divine. C’est plutôt le souvenir de la liberté, qui semble avoir disparu de la mémoire collective…

Par Karim Boukhari
Le 16/11/2024 à 09h00