Le dernier chant de cygne d’Alger

Mustapha Tossa.

ChroniqueCe refus d’admettre la réalité peut fonctionner comme opération de communication passagère; il ne peut ni la changer ni la transformer. D’où cette impression, dans les réactions algériennes, d’un chant du cygne: un ultime souffle, un dernier râle avant de rendre l’âme. Car, au bout du compte, tôt ou tard, Alger devra s’adapter à la nouvelle réalité internationale et accepter d’endosser son rôle de partie prenante dans ce conflit.

Le 01/12/2025 à 16h01

À observer les réactions officielles des autorités algériennes, à scruter les postures de leurs relais sur les réseaux sociaux, à suivre les débats dans leurs médias, une impression lourde se dégage: le régime algérien semble s’enfermer dans une dénégation totale. Il refuse de voir que le Maroc a remporté la bataille diplomatique du Sahara. Il refuse d’admettre qu’il lui revient désormais d’assumer son rôle de «partie prenante», appelée à participer de manière responsable à la mise en œuvre du plan d’autonomie validé par la communauté internationale.

Cette fracture, côté algérien, entre la réalité diplomatique internationale et ce que le régime d’Alger fantasme autour de la question du Sahara, soulève une série d’interrogations sur les ressorts profonds de cette dénégation.

Pour Alger, reconnaître que le Maroc a gagné la bataille du Sahara, c’est reconnaître son propre échec, et la faillite d’une stratégie construite sur des décennies. Pendant longtemps, le dossier du Polisario a été au centre des préoccupations diplomatiques algériennes — pour ne pas dire la colonne vertébrale de sa politique régionale et internationale. Tout se pensait à l’aune du soutien apporté à cette aventure séparatiste: des valises de pétrodollars pour les pays qui sympathisent avec «la cause sahraouie»; des colères, des menaces, des ruptures avec ceux qui s’en éloignent. Le Polisario était devenu l’unique curseur de la vision algérienne du monde. Étrange obsession pour un pays où cette question est loin d’être une cause populaire, et relève davantage d’un dossier — voire du dossier — de l’armée algérienne.

Ainsi allait la diplomatie algérienne: tout était mobilisé pour dynamiter l’unité territoriale marocaine, le Polisario étant assumé comme instrument de cette tâche. Peu importe la facture d’un tel engagement, le coût politique d’une telle dérive. Que les ressources algériennes, de l’aveu même du président, soient mobilisées à cette fin; que les intérêts spécifiques des Algériens et des peuples de la région soient sacrifiés: Alger n’en avait cure. Son objectif? Installer une entité artificielle sur un territoire marocain, pour en disposer à sa guise et tenter de réécrire la géographie politique de la région. Une fixation aux accents morbides, aux allures presque suicidaires.

«L’amorce d’une reconnaissance équivaudrait à devoir rendre des comptes, et sans doute à accélérer le craquement d’un système qui, volontairement ou non, a lié sa survie politique à la «victoire» de l’aventure séparatiste.»

—  Mustapha Tossa

Or cette tentative a spectaculairement échoué. Et l’onde de choc de cet échec est telle qu’elle a produit une incrédulité profonde. Le régime algérien est dans l’incapacité de reconnaître sa faillite — et pour cause: l’amorce d’une reconnaissance équivaudrait à devoir rendre des comptes, et sans doute à accélérer le craquement d’un système qui, volontairement ou non, a lié sa survie politique à la «victoire» de l’aventure séparatiste. Aujourd’hui, face à la grande clarification internationale sur le Sahara, le régime algérien semble avoir perdu sa boussole. Comme un pendu, il s’accroche à tout ce qui peut ressembler à une corde.

D’abord, une communication et une propagande qui cherchent à véhiculer l’inverse de la réalité: faire croire que le Maroc n’a pas gagné et que tout demeure possible pour le Polisario. Le champion toutes catégories de cette stratégie de la dénégation reste le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, devenu synonyme — voire icône — de la négation du réel. Posture d’autant plus intenable que les réseaux sociaux ont eu la cruauté de lui ressortir d’anciennes vidéos où il actait, avec une rare clairvoyance, l’avantage décisif du Maroc dans le dossier du Sahara. Aujourd’hui, la diplomatie algérienne lutte contre des moulins à vent avec des chimères.

Ce refus d’admettre la réalité peut fonctionner comme opération de communication passagère; il ne peut ni la changer ni la transformer. D’où cette impression, dans les réactions algériennes, d’un chant du cygne: un ultime souffle, un dernier râle avant de rendre l’âme. Car, au bout du compte, tôt ou tard, Alger devra s’adapter à la nouvelle réalité internationale et accepter d’endosser son rôle de partie prenante dans ce conflit.

Le régime algérien continue de fuir ses responsabilités parce qu’il en mesure le poids — et les conséquences. Elles se déclinent aujourd’hui en trois séquences, chacune plus impliquante que la précédente. La première consiste à œuvrer au désarmement des milices du Polisario opérant sur son territoire: une opération sécuritaire d’une grande sensibilité. La deuxième implique de permettre aux Sahraouis marocains des camps de Tindouf de recouvrer leur liberté de mouvement, sous contrôle et surveillance internationale. La troisième ouvre, elle, un nouveau chapitre de relation avec le Maroc: retour des relations diplomatiques, réouverture des frontières terrestres et aériennes…

Ces trois étapes seront nécessaires à la mise en œuvre du plan d’autonomie adossé au processus onusien. Quels que soient les jeux de cirque auxquels se livre aujourd’hui la diplomatie algérienne, quels que soient les mensonges et les fake news qu’elle tente d’ériger en vérités, quelles que soient les illusions d’optique qu’elle cherche à exploiter, Alger devra se plier à la dynamique de la communauté internationale, sous peine d’en subir les conséquences — à commencer par l’acquisition, fort peu enviable, d’un statut d’État voyou, avec son cortège de sanctions et de mise en quarantaine.

Par Mustapha Tossa
Le 01/12/2025 à 16h01