Ce n’est certainement pas Abdelmadjid Tebboune qui remettra l’Algérie debout. Pour la simple raison qu’à l’instar de son prédécesseur Abdelaziz Bouteflika, il semble lui aussi avoir perdu la faculté de marcher sur ses deux pieds, après plus de deux mois d’hospitalisation en Allemagne.
Tout comme lors de sa première sortie surprise sur Twitter, le 13 décembre dernier, alors qu’il venait juste de commencer sa convalescence en Allemagne, son retour à Alger mardi dernier l’a montré incapable de se tenir debout et de marcher. En tout cas, sa descente d’avion à l’aéroport militaire de Boufarik, qui aurait renseigné sur son état réel, a été complètement zappée. Ce n’est qu’après avoir été installé dans le salon d’honneur de l’aéroport par les hommes du général Saïd Chengriha, chef d’état-major de l’armée, que des personnalités triées sur le volet l’ont rejoint pour les besoins de la photo officielle. Il s’agit, en plus de Chengriha bien sûr, des présidents du Sénat, Salah Goudjil, de l'Assemblée populaire nationale, Slimane Chenine, du Conseil constitutionnel, Kamel Fenniche, du Premier ministre, Abdelaziz Djerad et du directeur de cabinet du président, Noureddine Baghdad Daidj.
© Copyright : DRSelon plusieurs commentateurs algériens sur les réseaux sociaux, c’est une caméra de l’armée, et non de la télévision publique algérienne, qui a filmé Tebboune en train de parler avec le groupe précité avant qu’un montage bien travaillé, et soumis au préalable à la validation du clan présidentiel, ne soit remis aux médias officiels.
Le lendemain, mercredi 30 décembre, c’est quasiment le même scénario qui se répète avec un Tebboune toujours assis sur un siège, mais cette fois-ci derrière un bureau, lors d’un tête-à-tête avec Saïd Chengriha.
Le jeudi suivant, après la signature de la fameuse loi de finances 2021 quelques heures seulement avant la deadline légalement impartie, Tebboune ne s’est pas levé, ni pour serrer la main aux huit personnalités présentes à cette cérémonie solennelle et très attendue, ni pour quitter les lieux tant que la caméra était là.
En plus de ne s’être jamais départi de sa position assise sur un siège, le président algérien a été flanqué, dans toutes ses apparitions, du général Chengriha qui l'accompagnait comme son ombre. Et ce, même lors de la cérémonie de signature de la loi des finances, où Chengriha n’avait aucune raison d’être présent. En effet, il est de coutume en Algérie que le président de la République signe la loi de finances en présence de tous les membres du gouvernement.
© Copyright : DRL’année dernière, c’est Abdelkader Bensalah qui a signé cette loi, en présence de son gouvernement provisoire le 11 décembre 2019, soit un jour avant le vote de la présidentielle qui a désigné Tebboune comme vainqueur. L’ex-chef d’état-major, le général Gaïd Salah, qui décédera quelques jours plus tard, était présent à cette signature en sa qualité de vice-ministre de la Défense (donc membre du gouvernement), comme il le faisait sous Bouteflika. Mais Chengriha n’étant ni ministre ni vice-ministre de la Défense a sciemment commis cette entorse à la coutume. A quelle fin? Montrer l’omniprésence de l’armée? Contrôler lui-même que n'apparaisse aucune image d’un fauteuil roulant risquant de réveiller les démons des années Bouteflika?
Cette grave entorse commise par le chef de l’armée, qui s’est substitué à un gouvernement entier pour brosser au président un «bilan de la situation interne» du pays, et au ministre des Affaires étrangères pour parler «des pays voisins» en dit long sur la réalité du pouvoir en Algérie.
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Signe qui ne trompe pas. Si Tebboune a bien signé, mercredi 30 décembre, le décret promulguant la nouvelle Constitution amendée, il n’a pas signé la loi électorale comme il s’est engagé à le faire lors de sa sortie du 13 décembre. Les prochaines élections législatives et locales sont donc renvoyées aux calendes grecques, puisque l’armée ne compte pas voir se rééditer le fiasco du 1er novembre dernier, où le peuple a refusé de voter sous un régime illégitime.
En tout cas, la symbolique d’un président incapable de se tenir debout est terrible, autant pour l’armée dont il est le chef suprême que pour le pays qui n’arrive pas à se redresser du lourd legs de l’ère Bouteflika.