L’affaire des visas étudiants: une nouvelle crise franco-algérienne?

Xavier Driencourt.

ChroniqueLes étudiants algériens, pour une bonne partie d’entre eux, viennent en France où ils ont famille et amis, et souvent ne repartent pas en Algérie. Quand en effet, on a passé trois ou quatre années en France, on éprouve peu d’envie de retourner dans la grisaille algérienne… Ce n’est pas le cas des étudiants marocains, car les perspectives économiques du Maroc sont plus attrayantes.

Le 07/10/2025 à 16h16

L’annonce d’une hausse sensible des visas accordés aux étudiants algériens en 2025 a provoqué un tollé dans la classe politique française. Chacun y est allé de son message sur les réseaux sociaux, pour s’étonner, s’indigner ou critiquer la publication de l’ambassade de France à Alger.

De quoi s’agit-il exactement? Dans un message sur le réseau social X, l’ambassade de France en Algérie a publié le message suivant: Campus France et l’Ambassade de France en Algérie félicitent les 8351 étudiants algériens qui ont obtenu un visa pour venir étudier en France à la rentrée 2025. Ce chiffre représente une augmentation de plus de 1000 visas par rapport à l’année 2024. 87% des étudiants acceptés via la procédure «études en France» ont vu leur dossier accepté.

Le moins que l’on puisse dire c’est que ce communiqué aux allures de «victoire» est pour le moins malvenu et inapproprié, intervenant en pleine crise franco-algérienne, quasiment un an après l’arrestation de Boualem Sansal et de Christophe Gleizes alors même que l’Algérie continue à refuser de reprendre ses nationaux en situation irrégulière. On peut s’étonner de cette absence curieuse de sens politique…

Il faut rappeler que Campus France est un établissement public sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du ministère chargé de l’enseignement supérieur. Le ministère de l’Intérieur n’a pas voix au chapitre. Cet organisme est chargé de présélectionner les candidats à des études supérieures en France, en leur faisant passer les tests de français et en examinant et validant, le cas échéant, leurs relations avec les universités françaises. Campus France n’est pas responsable de la délivrance des visas aux étudiants: il se contente de les sélectionner et de transmettre les dossiers aux consulats, à charge pour ces derniers de délivrer ou non les visas selon les critères traditionnels: logement, ressources, etc. C’est ce qui se passe dans le cas d’espèce, comme cela s’est produit cet été lorsque la presse française a découvert qu’une étudiante palestinienne qui publiait des messages antisémites était venue, de manière parfaitement régulière, en France pour des études.

«Se vanter sur les réseaux sociaux d’une augmentation du nombre de visas, compte tenu du contexte diplomatique entre les deux États, relève d’une curieuse ignorance du contexte. Et ceci au moment même où l’ambassade de France à Alger et Campus France sont délibérément exclus par les autorités algériennes du Salon du Livre d’Alger (SILA).»

—  Xavier Driencourt

Cette affaire soulève en réalité plusieurs points:

  • Les étudiants algériens, pour une bonne partie d’entre eux, viennent en France où ils ont famille et amis, et souvent ne repartent pas en Algérie. Quand en effet, on a passé trois ou quatre années en France, on éprouve peu d’envie de retourner dans la grisaille algérienne… Ce n’est pas le cas des étudiants marocains, car les perspectives économiques du Maroc sont plus attrayantes. De ce fait, la presse l’a souligné, les «visas étudiants» sont devenus une voie d’émigration assez banale. C’est un moyen – parmi d’autres– de venir et de tenter de rester en France.
  • Le ministère de l’Intérieur n’est en effet pas du tout associé à la procédure de sélection des étudiants. Celle-ci se fait sur des bases exclusivement académiques. Ceci explique ainsi les tensions feutrées (mais de moins en moins) entre la Place Beauvau et le Quai d’Orsay.
  • L’accord franco-algérien de 1968 permet en effet des «passerelles» entre le statut d’étudiant et celui d’entrepreneur. C’est là toute l’astuce pour ceux qui veulent rester en France, il suffit de créer son entreprise et ensuite de transformer son visa étudiant en visa permanent.
  • J’avais moi-même, dans mes années algéroises, été confronté à ce problème: à l’époque, la France délivrait environ 30.000 visas étudiants par an. Avec le service culturel de l’ambassade, le consulat avait examiné l’ensemble des dossiers afin de voir la réalité et la solidité des projets universitaires et avait ainsi réduit de moitié le nombre de visas étudiants délivrés… au risque de susciter les critiques des autorités algériennes. Car de nombreux étudiants algériens sont parmi les enfants de la nomenclature: les enfants du ministre de l’Information comme ceux de l’actuel ministre de l’Intérieur poursuivent leurs études supérieures en France…
  • Mais sans doute, le principal reproche fait dans ce dossier est l’absence de «bon sens» politique de l’ambassade: se vanter sur les réseaux sociaux d’une augmentation du nombre de visas, compte tenu du contexte diplomatique entre les deux États, relève d’une curieuse ignorance du contexte. Et ceci au moment même où l’ambassade de France à Alger et Campus France sont délibérément exclus par les autorités algériennes du Salon du Livre d’Alger (SILA)….
Par Xavier Driencourt
Le 07/10/2025 à 16h16