L’accord franco-algérien de 1968 coûte 2 milliards d’euros par an à la France, dévoile un rapport explosif

Les drapeaux français et algérien. (Photo d'illustration)

Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, deux députés du groupe parlementaire «Ensemble pour la République» (EPR)– ancien groupe «La Renaissance»– à l’Assemblée nationale, ont présenté en commission des Finances ce 15 octobre, un rapport explosif portant sur l’accord franco-algérien de 1968. Sous les feux des projecteurs, le surcoût massif engendré par les ressortissants algériens sur le territoire français dans le cadre de cet accord à sens unique.

Le 15/10/2025 à 17h11

Dénoncé par de nombreuses personnalités politiques françaises, à l’heure où la crise diplomatique entre la France et l’Algérie semble n’avoir aucune issue, l’accord de 1968 est un véritable caillou dans la chaussure du gouvernement français. Signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie (1954-1962), alors que la France avait besoin de bras pour soutenir son économie, cet accord a révélé ses limites au fil des ans, tout du moins pour la France qui n’en tire plus aucun parti, contrairement à l’Algérie.

Comment se peut-il que cet accord à sens unique soit encore en vigueur alors que l’Algérie se refuse à délivrer des laissez-passer à ses ressortissants en France frappés d’OQTF? Pourquoi l’abrogation de cette mesure n’est-elle pas à l’ordre du jour à l’instar d’autres mesures restrictives mises en œuvre par la France dans le bras de fer qui l’oppose à son ancienne colonie?

Ces questions sans réponses, et savamment dissimulées sous le tapis pour éviter d’aggraver les tensions avec le régime d’Alger, sont aujourd’hui posées au grand jour dans le rapport explosif, réalisé par deux députés de «Ensemble pour la République» (EPR), Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, fraichement nommé ministre délégué à la Transition écologique, dans le but de chiffrer par an le coût de l’accord franco-algérien.

Des blocages à tous les étages

Ce rapport explosif, le journal Le Point a pu le consulter en exclusivité. Le sujet dont il traite est qualifié d’«inflammable», tant les deux auteurs du rapport se sont heurtés à des portes fermées pendant sa réalisation et ont dû ajourner à deux reprises sa présentation, initialement prévue le 25 juin puis reportée au 2 juillet avant d’être encore une fois différée.

Les raisons de ces blocages sont nombreuses, en pleine crise institutionnelle entre Paris et Alger. D’un côté, Boualem Sansal, que l’Elysée espérait voir libéré à l’occasion de la fête nationale algérienne, puis la chute de François Bayrou, premier ministre, début septembre… autant de «bonnes» raisons de décaler la parution de ce rapport qui met dans l’embarras l’Elysée. «Les relations avec l’Algérie sont exécrables, ils n’ont aucune envie que ce rapport ravive les braises», confie ainsi une source à l’Assemblée nationale au journal Le Point.

Outre ces retards de calendrier, le principal écueil rencontré par les deux auteurs du rapport a de quoi surprendre: l’absence de statistiques au sein des administrations françaises ou le refus de ces dernières de les communiquer.

Toutefois, ni ce flou administratif, ni le chaos qui règne au sein du calendrier parlementaire, ni le spectre d’une éventuelle dissolution de l’Assemblée nationale, ni même les tergiversations de la diplomatie française paralysée par la prudence face aux sautes d’humeur du régime d’Alger, n’ont pu venir à bout de ce rapport et de ses vérités dérangeantes.

Révélation majeure du rapport, le coût de ce régime migratoire dérogatoire en vigueur depuis plus de 50 ans et qui accorde aux Algériens un grand nombre de facilités, en comparaison avec d’autres nationalités et de surcroît, sans réciprocité: 2 milliards d’euros par an! Une somme astronomique.

Quand la main d’œuvre se transforme en immigration familiale

Pour décortiquer cette somme, il faut en revenir à la liste, longue comme un jour sans pain, des dispositions en faveur de l’Algérie car ce régime migratoire dérogatoire, qui échappe au droit commun, regorge «d’avantages en cascade», résume le rapport.

À commencer par le fait qu’un ressortissant algérien dispose de douze mois pour déposer une demande de regroupement familial contre dix-huit mois pour les autres nationalités, avec pour résultat, en 2023, une surreprésentation des Algériens en matière de demandes de regroupement familial (24,15% du total national). «Un pourcentage très supérieur à la part des Algériens dans l’immigration, qui est de 10,5%», soulignent les rapporteurs.

Le regroupement familial se trouve être grandement facilité par le seuil de ressources mensuelles, abaissé au smic pour les Algériens, alors que selon le droit commun, les autres nationalités doivent disposer de 1.900 euros pour un foyer de quatre personnes.

Autre raison de cette explosion de demandes, l’ouverture de cette procédure à la kafala, qui permet à un juge algérien de transférer l’autorité parentale et de faire venir en France un neveu, une nièce ou une relation. «Cela revient à donner à un juge algérien le pouvoir de délivrer les autorisations d’entrer sur le territoire français», dénonce Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger.

Quant aux mariages franco-algériens, ceux-ci passent aussi sous les radars grâce à un traitement privilégié qui permet de délivrer un visa au conjoint algérien sans vérification de la communauté de vie. Autant dire que les mariages blancs explosent, puisqu’un an de mariage suffit pour obtenir un titre de dix ans, contre trois pour les autres nationalités.

Sur la durée, résume-t-on, «l’accord a façonné une immigration majoritairement familiale et peu tournée vers l’emploi». Ainsi, en 2024, 54,6% des premiers titres de séjour délivrés à des Algériens relevaient de l’immigration familiale– contre 32,4% pour les Marocains, par exemple. Or, les titres pour motif économique (essence même des accords de 1968) sont ridiculement bas et atteignent difficilement 9,4%, laissant entrevoir une déformation par cet accord de la nature de l’immigration algérienne en France.

Le coût de l’exception migratoire algérienne

Mais comment la France en arrive-t-elle à débourser plus de 2 milliards d’euros par an? Plusieurs avantages en faveur des ressortissants algériens expliquent cette somme colossale. D’une part, l’insertion difficile de cette immigration sur le marché du travail est un facteur aggravant. À titre d’exemple, en 2021, selon l’Insee, 38,9% des ressortissants algériens de plus de 15 ans n’étaient ni en emploi, ni en études, ni à la retraite. Une statistique qui grimpe à 51,3% du côté de la gente féminine. «Le taux d’emploi des immigrés algériens est inférieur de 14 points à celui des Français sans ascendance migratoire, l’écart atteignant 22 points chez leurs enfants de deuxième génération», résume-t-on afin d’évaluer l’impact budgétaire du statut dérogatoire.

D’autre part, les choses se corsent d’un point de vue financier dès lors que les Algériens peuvent accéder au RSA ou à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) dès l’obtention de leur titre de séjour et… sans conditions de durée de résidence. En effet, depuis près de quarante ans, l’Algérie refuse de verser les pensions de retraite aux pensionnés algériens résidant en France, au motif d’une interprétation restrictive de la convention de Sécurité sociale de 1980. Les retraités algériens, privés de ressources par leur propre pays, se tournent ainsi vers la France pour l’Aspa. «Prenons l’exemple d’un ressortissant algérien ayant travaillé vingt ans en Algérie et vingt en France. Au moment de prendre sa retraite, la France doit lui verser l’équivalent de 20 ans de travail, et l’Algérie les vingt autres années», explique Charles Rodwell en conférence de presse. «Sauf que l’Algérie ne le fait pas, donc la France compense ce manquement avec le versement de l’ASPA (Allocation de solidarité pour les personnes âgées). Ce refus est intenable et inacceptable».

L’estimation «conservatrice» de 2 milliards d’euros annuels proposée dans le rapport correspond ainsi aux dépenses sociales, estimées entre 1,5 et 2 milliards d’euros: «proportion importante d’allocataires parmi les ressortissants algériens, régime d’accès préférentiel au RSA et à l’Aspa, sur-recours au logement social (qui concerne 49% des immigrés algériens en 2019, selon l’Insee)… S’ajoutent les coûts indirects– prestations versées aux conjoints ou aux enfants dont le statut découle de l’accord de 1968– et les surcoûts administratifs (délivrance de titres de séjour, recours contentieux, hébergement d’urgence, aide juridictionnelle, procédures d’éloignement inopérantes…), évalués entre 200 et 300 millions d’euros annuels», détaille le rapport.

Mais cette somme astronomique n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg car, face à un Etat français qui «a organisé sa propre cécité», dénonce Charles Rodwell, s’accumule une longue série de dépenses non évaluées. Véritable angle mort, le système scolaire, mais aussi et surtout, la santé, qui échappe aux estimations avec son lot d’hospitalisations en urgence, de soins non remboursés et de charges non recouvrées. D’autant que le refus de coopération d’Alger aggrave la facture de la santé publique avec des créances qui s’accumulent. «L’AP-HP (ndlr: L’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris), qui prend en charge environ 1.000 ressortissants algériens par an hors dispositif conventionnel, fait état d’une créance de 10,7 millions d’euros au 31 décembre 2024 vis-à-vis de particuliers algériens, souvent admis en urgence et qui se révèlent insolvables ou quittent le territoire sans régler leur dû», est-il révélé.

Sans compter que selon la Caisse nationale d’assurance maladie, la dette hospitalière de la France envers l’Algérie, pour des soins prodigués dans leur pays d’origine à des Algériens affiliés au régime français, atteint 430 millions d’euros sur la période 2018-2024. «L’Algérie, elle, doit à la France une centaine de millions d’euros», précise le rapport.

L’accord de 1968 se révèle ainsi à la lumière de ce rapport dans sa dimension de «multiplicateur de coûts diffus», sans centralisation ni mesure réelle possible.

La seule solution qui se profile pour la France

Dans une France dont l’urgence absolue est d’élaborer un budget fiable dans les trois mois, de maîtriser les comptes publics et de réduire le déficit du PIB, les révélations sur le poids économique que pèse l’immigration algérienne ont de quoi faire grincer des dents. Car, face à la politique d’austérité qu’on prône en France et aux efforts supplémentaires auxquels doivent concéder les Français, le régime d’Alger n’entend pas céder sur les avantages qu’il tire de l’accord de 1968.

Cette impunité, le régime d’Alger la tire d’ailleurs de l’accord de 1968, encore une fois, lequel ne prévoit pas de retirer ou de ne pas renouveler un titre de séjour, et ce, même en cas de trouble à l’ordre public! «Côté français, en creux, une ligne s’impose: ne rien provoquer. Ne rien attendre non plus», résume Le Point, à l’heure où la politique de restriction des visas tentée en 2021 et en 2022 s’est avérée vaine, et que l’ultimatum lancé en début d’année par François Bayrou pour exiger de l’Algérie un retour à «l’exécution pleine et entière» de ses obligations dans un délai de six semaines s’est soldé par une chute libre des retours dans leur pays des Algériens sous OQTF.

Reste l’ultimatum lancé par Emmanuel Macron cet été visant cette fois-ci la nomenklatura algérienne avec pour principales mesures graduées, les restrictions de visas pour leurs enfants, le contrôle des transferts financiers, les limitations bancaires… «Sur les neuf premiers mois de 2025, le nombre de visas délivrés a baissé de 14,5%», constate-t-on, tout en préconisant de patienter pour évaluer l’impact réel de ces mesures, voire d’utiliser d’autres instruments de pression.

La solution est pourtant là, portée par plusieurs voix, notamment celles de Bruno Retailleau et Gabriel Attal: utiliser le levier juridique de l’égalité en se basant sur l’article 1er de la Constitution qui garantit l’égalité de tous devant la loi. Un rempart contre lequel se briserait la discrimination positive fondée sur la nationalité instaurée dans l’accord de 1968. «Plus le droit commun évolue, plus celui-ci devient discriminatoire pour les autres étrangers par rapport à celui applicable aux ressortissants algériens. (...) Les discriminations entre étrangers devraient être contraires au principe d’égalité qui a valeur constitutionnelle et qui prévaut sur l’application des traités internationaux, selon l’article 43 de la Constitution», plaident les deux rapporteurs.

Mais encore faut-il notifier cette décision par voie diplomatique et ménager une période de transition.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 15/10/2025 à 17h11