La Tunisie, pionnière en matière d'émancipation des femmes dans le monde arabe

Des Tunisiennes devant un mur recouvert d'affiches de la campagne électorale, le 21 novembre 2014.

Des Tunisiennes devant un mur recouvert d'affiches de la campagne électorale, le 21 novembre 2014. . AFP archives

La Tunisie, où pour la première fois une femme, Souad Abderrahim, a été élue mardi 3 juillet maire de Tunis, est pionnière en matière d'émancipation féminine dans le monde arabe depuis l'adoption en 1956 du Code du statut personnel qui a aboli polygamie et répudiation.

Le 03/07/2018 à 16h43

La nouvelle Constitution, adoptée en janvier 2014, a inscrit l'égalité entre hommes et femmes et introduit un objectif de parité dans les assemblées élues. Mais il subsiste encore une inégalité face à l'héritage.

Le Code du statut personnel (CSP), promulgué le 13 août 1956 par le premier président Habib Bourguiba, cinq mois après l'indépendance, accorde aux Tunisiennes des droits sans précédent. Il abolit la polygamie, interdit la répudiation, institue le divorce judiciaire et fixe l'âge minimum du mariage à 17 ans pour la femme, "sous réserve de son consentement".

Il ouvre également la voie à l'instruction, à la liberté de choix du conjoint et au mariage civil. Les Tunisiennes vont aussi bénéficier très tôt de la planification des naissances avec droit à l'interruption volontaire de grossesse. Le successeur de Bourguiba, Zine El Abidine Ben Ali, applique une démarche volontariste pour la participation des femmes à la vie politique. La "Fête de la femme", jour férié en Tunisie, célèbre tous les 13 août la promulgation du CSP.

En avril 2011, trois mois après la chute de Ben Ali, la Haute commission chargée de préparer les élections de l'Assemblée constituante opte pour un scrutin de listes qui respecteront la parité. Ce choix rassure ceux qui commençaient à craindre un recul des droits des femmes sous la pression des mouvements islamistes. Mais les femmes ne seront que 7% à mener des listes pour le scrutin d'octobre.

La nouvelle Constitution de 2014 a introduit un objectif de parité dans les assemblées élues. Elle dispose que "les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et devoirs et devant la loi, sans discrimination". Après les premières municipales démocratiques en mai 2018, de nombreuses femmes ont accédé au pouvoir local à la faveur de la loi sur la parité. Selon l'Instance indépendante électorale, 47% des élus sont des femmes, dont 573 sont têtes de listes (29,5% du total).

En 2017, le Parlement avait déjà voté une loi pour lutter contre les violences faites aux femmes. Et l'interdiction du mariage des femmes avec des non-musulmans avait été abolie.

Dans la législation tunisienne, les femmes n'héritent généralement que de la moitié de ce qui revient aux hommes, comme le prévoit le Coran. Le président Béji Caïd Essebsi a lancé en août 2017 un débat sur cette question sensible. "Nous avons une Constitution (disposant) que l'Etat est civil, mais tout le monde sait que notre peuple est musulman (...) et nous ne voulons pas aller dans des réformes qui choqueraient le peuple tunisien (...) Mais il faut que nous disions que nous allons vers l'égalité (...) dans tous les domaines. Et toute la question réside dans l'héritage", avait-il déclaré.

En mars 2018, plus d'un millier de Tunisiens, en majorité des femmes, ont défilé à Tunis pour réclamer l'égalité dans l'héritage, scandant: c'est "un droit, pas une faveur".

Le 20 juin, la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (COLIBE) a présenté des propositions de réformes sociétales. Outre la dépénalisation de l'homosexualité et l'abolition de la peine de mort ou du délai de viduité imposé aux femmes divorcées ou veuves, ses propositions portent sur l'égalité entre hommes et femmes dans l'héritage, une ligne rouge dans de nombreux pays musulmans.

Mais des associations religieuses tunisiennes ont rejeté ces réformes, les jugeant "dangereuses" et contraires aux préceptes de l'islam.

Le 03/07/2018 à 16h43