Mohammed ben Salmane, l'un des premiers membres de la famille royale saoudienne à se rendre en Tunisie depuis la révolution de 2011, a rencontré le président tunisien Béji Caïd Essebsi et dîné avec lui et le Premier ministre Youssef Chahed.
Le dirigeant saoudien "n'est pas l'invité de la Tunisie, il est ici chez lui", a déclaré M. Caïd Essebsi en recevant son hôte, soulignant la force des relations bilatérales.
La présidence tunisienne a simplement indiqué dans un communiqué que les deux hommes avaient évoqué "les moyens de renforcer la coopération" notamment économique, "la promotion de l'investissement et de la coopération militaire et en matière de sécurité", ainsi que la tenue du 30e sommet de la Ligue arabe à Tunis en mars 2019.
Après des visites aux Emirats arabes unis, à Bahreïn et en Egypte, où les pouvoirs en place ont réitéré leur appui au royaume saoudien, quelques centaines de Tunisiens ont accueilli le prince héritier en manifestant aux cris de "dégage assassin".
La Tunisie, seul pays à poursuivre sur la voie de la démocratisation après les soulèvements du Printemps arabe, "est un des rares pays arabes où l'on peut afficher de telles positions", a souligné Youssef Cherif, chercheur en politique internationale.
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Cette brève halte se déroule dans le cadre de la première tournée de Mohammed ben Salmane à l'étranger depuis le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Cet assassinat a ébranlé la position à l'international du prince surnommé "MBS", accusé par des responsables turcs et américains de l'avoir commandité.
Les autorités saoudiennes démentent toute implication du prince dans le meurtre de cet éditorialiste critique du pouvoir saoudien, dont Ryad a reconnu qu'il avait été tué et démembré dans son consulat à Istanbul le 2 octobre.
Une villa fouillée lundi par les enquêteurs turcs à la recherche du corps de Jamal Khashoggi, appartient à un "ami proche" du prince héritier saoudien, ont rapporté mardi les médias turcs.
Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo et le ministre de la Défense Jim Mattis doivent s'adresser mercredi au Sénat des Etats-Unis à propos de l'Arabie saoudite, source d'inquiétude au sein de la classe politique américaine.
Cette intervention est prévue alors qu'une résolution devrait être présentée sous peu visant à arrêter l'aide militaire américaine à la coalition menée par l'Arabie saoudite contre les rebelles Houthis au Yémen.
Mardi à Tunis, certains manifestants brandissaient des scies en référence à l'assassinat sordide du journaliste saoudien et des drapeaux du Yémen, où le conflit a fait des milliers de victimes civiles.
De grandes affiches ont également été déployées sur des immeubles de Tunis, l'une montrant un Saoudien de dos, une tronçonneuse à la main, et l'autre un Saoudien armé d'un fouet avec l'inscription "le bourreau des femmes n'est pas le bienvenu".
L'Arabie saoudite a accordé cette année 100 millions de dollars de dons pour la médina et un hôpital à Kairouan, haut lieu de l'islam dans le centre de la Tunisie et investi 187 millions d'euros dans le pays, selon le service de communication de l'ambassade saoudienne à Tunis.
Son rival qatari est quand à lui le premier investisseur arabe en Tunisie, alors que la Turquie est un de ses principaux partenaires économiques.
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Par cette rencontre, après une série de visites ministérielles ces derniers mois, "les Saoudiens cherchent à contrer le Qatar et l'influence qu'il peut avoir" en Tunisie, estime M. Cherif.
Sur le plan de la politique intérieure tunisienne, l'Arabie saoudite pèse pour une "diminution du degré de démocratie", selon M. Cherif, une recentralisation du pouvoir à la présidence et une mise à l'écart d'Ennahdha, parti d'inspiration islamiste souvent considéré comme plutôt proche de Doha.
Ryad, qui a accueilli l'ex dictateur tunisien Zine el Abidine ben Ali chassé du pouvoir en 2011, a oeuvré "à discréditer la révolution en Tunisie," mais "ses relations sont bonnes avec la composante de la classe politique liée à l'ancien régime", explique M. Cherif.
Après la Tunisie, Mohammed ben Salmane est attendu vendredi au G-20 en Argentine, où l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a porté plainte contre lui. HRW demande à la justice argentine de le poursuivre pour des crimes de guerre au Yémen, des cas de torture par des responsables saoudiens, et sa possible complicité dans le meurtre de Khashoggi.