Des échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre ont émaillé samedi les rassemblements du mouvement populaire des "gilets jaunes" dans le centre de Paris, placé sous haute sécurité, et plusieurs blocages de routes perturbaient la circulation dans le pays pour cette nouvelle journée de mobilisation à haut risque.
Une grande partie des Français et notamment les Parisiens redoutent la répétition d'affrontements violents qui ont choqué dans le pays et à l'étranger et dont les images ont fait le tour de la planète.
La tension est montée d'un cran samedi en milieu de matinée aux abords de la célèbre avenue Champs-Elysées, où les forces de l'ordre ont lancé les premiers gaz lacrymogènes contre des "gilets jaunes" venus manifester par milliers aux cris de "Macron démission", ont constaté des journalistes de l'AFP.
Certains manifestants ont répliqué en lançant des projectiles et des pétards.
Le 1er décembre avait été marqué dans la capitale par de violents affrontements entre manifestants et policiers et plusieurs quartiers centraux avaient été plongés dans le chaos. L'arc de Triomphe, monument emblématique du pays, avait été dégradé.
Ce samedi, la capitale s'est en partie barricadée. Des véhicules blindés à roues de la gendarmerie y ont été exceptionnellement déployés.
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Les autorités ont renforcé les contrôles dans les gares et pratiquent la fouille systématique aux abords des lieux de manifestation. Pas moins de 89.000 membres des forces de l'ordre sont mobilisés sur le territoire, dont 8.000 à Paris.
Quelque 548 personnes ont été interpellées dans la matinée à Paris. Parmi elles, au moins 272 ont été placées en garde à vue.
Plusieurs ambassades étrangères ont recommandé à leurs ressortissants d'être prudents en se déplaçant dans la capitale ou de reporter leur voyage.
Nombre de musées, des grands magasins, la Tour Eiffel ont été fermés préventivement. De nombreux commerces, notamment dans l'ouest parisien qui concentre les lieux de pouvoir, ont été barricadés avec des panneaux de bois.
À deux pas du grand magasin du Printemps, sur le boulevard Haussmann à Paris, deux touristes belges sont penchés sur un plan, l'air perplexe. Ils tentent de se rendre à la gare du Nord, mais ni les métros ni les bus ne circulent. Arrivés jeudi pour un court séjour prévu de longue date, ils doivent repartir dans la soirée pour la Belgique.
"On était dans un hôtel dans une petite rue adjacente aux Champs-Elysées. Ils nous ont conseillé de partir très tôt pour éviter les manifestations", explique Belinda De Cuyper, 46 ans, employée d'une entreprise américaine à Bruxelles. "On comprend le mouvement, on est des travailleurs normaux (...) En Belgique aussi les impôts sont hauts et on s'inquiète pour le futur de nos enfants", ajoute-t-elle.
A Bruxelles d'ailleurs, environ 70 personnes ont été arrêtées samedi en amont d'une manifestation de "gilets jaunes" et le quartier des institutions européennes a été entièrement bouclé.
Le gouvernement français a multiplié les appels au calme et plusieurs figures des "gilets jaunes" ont appelé à défiler pacifiquement.
Le réseau routier et autoroutier français connaissait de nombreux points de perturbations.
Un millier de "gilets jaunes" ont en outre défilé à Marseille (sud-est), précédés d'une dizaine d'ambulanciers qui ont rejoint le mouvement avec leurs véhicules, gyrophares allumés.
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"On n'est pas là pour casser, on doit défiler à visage découvert (...) Nos revendications qu'on a tous, salariés, retraités, chômeurs, chefs d'entreprise (...), c'est notre pouvoir d'achat, et c'est qu'on soit respecté, qu'on nous écoute", a déclaré à la foule Viva Noé, responsable d'une page Facebook "Stop au racket Méditerranée", juchée sur un plot en béton.
Les "gilets jaunes", issus majoritairement des classes populaires et moyennes, se disent excédés par la politique fiscale et sociale d'Emmanuel Macron, qu'ils jugent injuste et qu'ils dénoncent depuis trois semaines, manifestant et organisant barrages filtrants et sit-in à travers le pays.
Le recul du gouvernement sur la hausse des taxes sur le carburant, revendication première des gilets jaunes, n'a pas permis d'apaiser un mouvement particulièrement défiant à l'égard des élites politiques et des partis traditionnels.
"Dites bien qu'on ne va pas lâcher l'affaire", a lancé à Paris à l'AFP l'un des manifestants, Tony Vella, maçon de 32 ans, après avoir été interpellé puis relâché par les forces de l'ordre.
Il dit vouloir se battre "pour ses enfants". "Il faut baisser les taxes, diminuer le nombre de députés et de sénateurs, faire des référendums pour qu'on ait notre mot à dire (...) Ces gens là sont déconnectés", poursuit cet homme qui gagne 1.800 euros bruts mensuels.
Le mouvement des "gilets jaunes", déstructuré, évoluant hors des cadres établis, n'a pas de véritable leader, rendant épineuses les tentatives de négociation du gouvernement avec lui. La mobilisation est aussi devenue le creuset de plusieurs autres contestations, notamment des lycéens qui ont manifesté et bloqué des établissements ces derniers jours à travers le pays.