Prenant le relais d’un Conseil de sécurité paralysé par le véto américain, l’Assemblée générale de l’ONU a réclamé mardi soir «un cessez-le-feu humanitaire immédiat» à Gaza, dans une résolution non contraignante adoptée par 153 voix pour, 10 contre, et 23 abstentions. Une majorité écrasante qui a même dépassé celles rassemblées par les résolutions condamnant l’invasion russe de l’Ukraine.
Fervent soutien d’Israël, Joe Biden a critiqué mardi, de manière inédite, le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour son opposition à une solution «à deux États» avec les Palestiniens, et l’a mis en garde contre une érosion du soutien international à sa guerre.
«Il n’y a aucun doute sur la nécessité de supprimer le Hamas», a dit le président américain. Mais, a-t-il mis en garde, si Israël dispose à l’heure actuelle du soutien de «la majeure partie du monde», «ils sont en train de perdre ce soutien avec les bombardements aveugles qui ont lieu».
«Souffrance continue»
Dans une rare déclaration commune, les Premiers ministres canadien, australien et néo-zélandais se sont pour leur part déclarés mercredi «alarmés par la diminution de l’espace de sécurité pour les civils à Gaza». «Le prix à payer pour vaincre le Hamas ne peut être la souffrance continue de tous les civils palestiniens», ont-ils ajouté.
Dans la bande de Gaza, où 85% des 2,4 millions d’habitants ont été déplacés -dont beaucoup de multiples fois depuis le 7 octobre- et des quartiers entiers détruits par les bombardements israéliens, les Palestiniens vivent «l’enfer sur terre», a lancé le directeur de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini.
Dans le petit territoire soumis à un blocus israélien depuis plus de 15 ans et à un siège total depuis deux mois, de nouveaux raids ont fait plus de 50 morts dans la nuit de mardi à mercredi à Gaza-ville, Nousseirat, Deir al-Balah, Khan Younès et Rafah, selon le ministère de la Santé du Hamas.
L’attaque menée le 7 octobre contre Israël par le Hamas a fait environ 1.200 morts, en majorité des civils, selon les autorités. L’offensive israélienne à Gaza a coûté la vie à plus de 18.400 personnes, en grande majorité des civils, dont 70% de femmes et d’enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas. Selon l’agence de l’ONU chargée de la coordination humanitaire (Ocha), de nombreuses personnes restent encore portées disparues sous les décombres.
Surpopulation et maladies
Après avoir fui les frappes israéliennes, quittant leurs maisons dans le nord, puis leurs abris à Khan Younès, des dizaines de milliers de Palestiniens s’abritent désormais à Rafah, plus au sud, jouxtant la frontière avec l’Égypte. Également la cible de bombardements israéliens, la localité est devenue un gigantesque camp avec des centaines de tentes bricolées à l’aide de bouts de bois ou de draps.
Selon l’Ocha, la surpopulation et la malnutrition favorisent la propagation de maladies comme la diarrhée, la grippe et la variole, mettant une pression supplémentaire sur un système de santé presque complètement détruit.
À cela s’ajoute la pluie qui tombe sur Rafah, où les déplacés s’abritent tant bien que mal sous des bâches en plastique. «Toutes les tentes sont inondées. Nous ne savons pas quoi faire», se plaint Ihab Abu Jof, un Palestinien de 23 ans, qui a protégé le foyer de son fourneau artisanal avec une plaque de tôle et une bâche. «Je vous jure que les conditions ici sont extrêmement difficiles», ajoute-t-il.
«Où est la sécurité à Rafah?»
L’armée israélienne a une nouvelle fois ciblé Rafah mardi, où des frappes sur deux maisons ont fait 24 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas. «Ils (les militaires israéliens) ont dit eux-mêmes que le sud est sûr, Rafah est sûre. Où est la sécurité à Rafah? Chaque jour il y a des frappes à Rafah», lance Tawfiq Abou Brik au milieu des ruines.
Après un bombardement qui a creusé un énorme cratère, des survivants fouillent les ruines, parfois à mains nues. Des blessés, enveloppés dans des couvertures, sont emmenés dans le coffre des voitures vers un hôpital. D’autres sont transportés, une fois tirés des décombres, sur de grandes couvertures tenues par de jeunes hommes qui courent au milieu de personnes couvertes de poussière.
Le chef de l’Organisation mondiale de la Santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a fait état d’un raid israélien contre l’hôpital Kamal Adwan de Gaza, où se trouvent 65 patients et 45 soignants, après plusieurs jours de siège. «Je suis extrêmement inquiet», a-t-il écrit sur X (ex-Twitter). Sur Telegram, le Hamas a affirmé que le directeur de l’hôpital avait été fait prisonnier.
Selon l’Ocha, 100 camions transportant de l’aide sont entrés depuis lundi soir via Rafah, de même que 120.000 litres de carburant, une assistance qui reste d’après elle très en deçà des besoins. Dans le cadre du siège imposé depuis le 9 octobre à Gaza, Israël contrôle l’entrée de l’aide internationale dans le territoire via l’unique point de passage ouvert de Rafah, avec l’Egypte. En raison des combats, cette aide est très difficilement acheminée au-delà de Rafah où la nourriture se fait rare.
L’armée israélienne mène également des opérations militaires en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, où six Palestiniens ont été tués mardi, selon l’Autorité palestinienne. Depuis le 8 octobre, plus de 270 Palestiniens ont été tués par les soldats ou les colons israéliens dans ce territoire où le Hamas n’est pas représenté. L’aviation et l’artillerie israéliennes ont aussi bombardé des positions du Hezbollah dans le sud du Liban et des installations militaires en Syrie, en riposte à des tirs d’obus sur le nord d’Israël, d’après l’armée israélienne.