Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces israéliennes ont multiplié à nouveau les frappes dans le sud et le centre de la bande de Gaza, où des témoins ont d’ailleurs fait état d’intenses combats. Des raids aériens et des tirs d’artillerie israéliens ont touché jeudi Khan Younès, grande ville du sud de la bande de Gaza devenue l’épicentre des opérations, selon un journaliste de l’AFP.
À la morgue de l’hôpital local Nasser, Baha Abou Hatab, en pleurs, était penché au-dessus des corps de ses neveux. «Ils ont été évacués dans un champ agricole, où ils ont construit une tente pour se protéger du froid, mais les frappes aériennes israéliennes les ont touchés pendant qu’ils dormaient. Pourquoi? Parce que ce sont des enfants? Parce qu’ils menacent Israël et les États-Unis?», a-t-il sangloté.
Depuis le début de la guerre, 22.438 personnes, essentiellement des civils, et majoritairement des femmes, des adolescents et des enfants, ont été tuées par les bombardements et les opérations terrestres israéliennes dans la bande de Gaza -soit près de 1% de la population du territoire, auxquelles s’ajoutent des milliers d’autres ensevelies sous les décombres, selon le dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas jeudi. En Cisjordanie occupée, où le Hamas n’est pas représenté, plus de 320 Palestiniens ont été tués par les soldats ou les colons israéliens depuis le 7 octobre.
L’attaque du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre a fait environ 1.140 morts, essentiellement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles israéliennes. Environ 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza, dont une centaine ont été libérées lors d’une trêve fin novembre.
Un plan israélien pour «l’après-guerre»
Quelques heures avant l’arrivée du secrétaire d’État américain Antony Blinken au le Moyen-Orient, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant a dévoilé un premier plan de «l’après-guerre» à Gaza. Selon ce plan, les opérations à Gaza «vont se poursuivre» jusqu’au «retour des otages», au «démantèlement des capacités militaires et de gouvernance du Hamas» et «l’élimination des menaces militaires».
Mais «il n’y aura pas de présence civile israélienne dans la bande de Gaza après l’atteinte des objectifs de la guerre», a déclaré jeudi soir Yoav Gallant, en précisant que l’armée israélienne garderait toutefois «sa liberté d’action» à Gaza pour y juguler toute «menace» éventuelle.
«Les habitants de Gaza sont Palestiniens. Par conséquent des entités palestiniennes seront en charge (de la gestion) à la condition qu’il n’y ait aucune action hostile ou menace contre l’État d’Israël», souligne le plan sans dire précisément qui, des Palestiniens, devraient administrer ce territoire d’environ 2,3 millions d’habitants ravagé par les bombardements israéliens.
Situation humanitaire critique
En attendant un «après-guerre», le calvaire des habitants de Gaza continue. Outre les frappes aériennes et les combats au sol, les Palestiniens de Gaza sont confrontés à de graves pénuries de nourriture, d’eau, de carburant et de médicaments, suite au siège total imposé par Israël. Les agences onusiennes et les ONG présentes sur place déplorent une situation humanitaire critique, alors que l’aide entre au compte-gouttes malgré une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, restée pratiquement sans effet.
«Après 90 jours de guerre dans la bande de Gaza, la situation est désastreuse. Les rues surpeuplées de Rafah sont le théâtre d’une propagation alarmante des maladies. La famine menace, exacerbée par les restrictions d’accès. Un cessez-le-feu humanitaire est indispensable pour fournir une aide d’urgence et mettre fin à ces déplacements forcés et continus», a affirmé sir X (ex-Twitter) l’Agence d’aide aux réfugiés palestiniens de l’ONU (Unrwa).
Extension de la guerre
Les craintes de voir la guerre à Gaza s’étendre dans le Moyen-Orient se sont encore accrues après la mort, mardi à Beyrouth, du numéro deux du Hamas, Saleh al-Arouri, tué par une frappe aérienne attribuée à Israël. «L’ennemi pense qu’avec l’assassinat de Saleh al-Arouri, il peut vaincre la résistance et imposer ses conditions (...) mais il a échoué, et ne pourra jamais pousser le Hamas à abandonner ses revendications, sa vision et sa stratégie», a assuré, dans un discours, le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh.
Plusieurs chancelleries se sont également inquiétées d’un risque d’escalade, notamment en Iran, où un attentat revendiqué par le groupe jihadiste État islamique (EI) a fait 84 morts mercredi près de la tombe de Qassem Soleimani, ex-architecte des opérations iraniennes au Moyen-Orient.
En mer Rouge, les rebelles Houthis multiplient les attaques pour freiner le trafic maritime en «soutien» à Gaza, tandis que les tensions se multiplient en Syrie et en Irak, où l’armée américaine a mené plusieurs frappes aériennes et où des bases américaines sont prises pour cible.
Antony Blinken doit quitter jeudi soir Washington pour sa quatrième tournée au Moyen-Orient depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, où il entend plaider pour une aide accrue en direction de la bande de Gaza et des moyens d’éviter l’embrasement dans un contexte régional à cran.
Après la Turquie, il se rendra en Israël, en Cisjordanie occupée, en Jordanie, au Qatar, aux Emirats arabes unis, en Arabie saoudite et en Egypte. Avant le départ, son porte-parole avait déjà prévenu: «Nous ne nous attendons pas à ce que toutes les conversations de ce voyage soient faciles».