Lors de sa première allocution depuis la promulgation au pas de charge de l’impopulaire réforme des retraites, Emmanuel Macron a voulu tourner la page d’une séquence qui n’a pas été «acceptée» par les Français. L’intervention télévisée de 15 minutes, diffusée hier lundi à 20H00 (GMT1), espérée comme celle de l’apaisement, après plus de trois mois de tension sociale et politique, émaillés de grèves, de manifestations et d’affrontements parfois violents.
«Des chantiers prioritaires»
Las, le président français s’est bien peu attardé sur la contestée réforme, se contentant d’affirmer une nouvelle fois qu’elle était «nécessaire», de regretter «l’absence de consensus» à son sujet et d’assurer avoir «bien entendu la colère de la rue». La suite de son discours ? Une énumération de «chantiers prioritaires» qui constituent désormais la feuille de route du gouvernement, incluant pêle-mêle le dialogue social, la lutte contre la délinquance et «l’immigration illégale», des réformes pour les secteurs de l’éducation et la santé, ainsi qu’un «nouveau modèle productif et écologique».
Les réactions dans la classe politique ne se sont pas fait attendre. Sans surprise, le camp présidentiel a applaudi, la Première ministre Élisabeth Borne, en tête: «Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France. Je présenterai la semaine prochaine la feuille de route de mon gouvernement».
Même son de cloche chez Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, qui a vu dans le discours du président une réponse «aux inquiétudes exprimées par (ses) concitoyens ces derniers mois, tout en bâtissant un pays plus indépendant, une nation plus juste et solidaire».
«Le discours d’un vide abyssal d’un Président ivre de sa propre parole»
— Cyrielle Chatelain, cheffe de file des députés Europe Écologie Les Verts (EELV).
Les commentaires sont autrement plus acerbes du côté de l’opposition. «Irréel Macron. Complètement hors de la réalité, assume le vol de deux ans de liberté», s’indignait sur Twitter Jean-Luc Mélenchon, du parti La France insoumise (LFI).
Mathilde Panot, cheffe de file des députés LFI, est encore plus dure: «Il n’y a plus qu’Emmanuel Macron pour croire en Emmanuel Macron. Le Président bunkérisé n’a rien à offrir au pays. On préfère volontiers le bruit des casseroles à ses mots creux».
«Depuis le palais de l’enlisé, le président pyromane promet 100 jours pour éteindre le feu qu’il alimente quotidiennement», lance Olivier Faure, premier secrétaire du PS, alors que Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français (PCF), plus laconique, estime que «ceux qui n’ont pas écouté n’ont rien perdu».
Pour Cyrielle Chatelain, cheffe de file des députés écolos, «Emmanuel Macron n’annonce rien, ne change rien. Il ne prend pas la mesure, ni de la colère, ni de l’ampleur de la crise sociale et environnementale. Le discours d’un vide abyssal d’un Président ivre de sa propre parole».
Toujours au sein de la gauche, le député LFI Éric Coquerel pense que le président «croit être sorti de la crise alors qu’il est en plein milieu. (…) Je me demandais s’il allait oser refaire le coup de la refondation, comme après les Gilets jaunes, comme après le Covid». Et d’ajouter: «Le chef de l’État est complètement hors-sol. Je crois qu’il n’a toujours pas pris la mesure de ce qu’il se passe dans le pays».
Quant à la députée écologiste Sandrine Rousseau, elle commente l’allocution présidentielle avec un tweet de trois mots : «Bon ben. Rien».
Un quinquennat de mépris
La droite n’est pas plus tendre avec la performance télévisée d’Emmanuel Macron. Éric Ciotti, le président des Républicains (LR) accueille «avec scepticisme ce long catalogue de voeux pieux qui n’apporte ni cap ni nouveauté». «Le président n’a esquissé aucune remise en cause et n’ouvre aucune perspective concrète : la méthode ne changera visiblement pas», ajoute-t-il.
Même déception pour Bruno Retailleau, patron des sénateurs LR a vu «un discours attendu, Emmanuel Macron comme à son habitude : bardé de certitudes et de promesses de lendemains qui chantent. Mais aucune remise en question, aucun changement de méthode, aucune rupture dans une politique qui déçoit depuis 6 ans».
Du côté du Rassemblement national, la présidente du groupe RN à l’Assemblée, Marine Le Pen, estime pour sa part que «par l’annonce du retrait de la réforme des retraites ou du référendum, Emmanuel Macron aurait pu ce soir retisser le lien avec les Français. Il a choisi de nouveau de leur tourner le dos et d’ignorer leurs souffrances. Cette pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir annonce la poursuite d’un quinquennat de mépris, d’indifférence et de brutalité dont il faudra sortir par les urnes».