Le président a lancé cette énième polémique mardi dernier, en soirée, dans la lignée de ses attaques répétées depuis janvier contre deux jeunes élues démocrates pro-palestiniennes, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, partisanes d'un boycott de l'Etat hébreu pour sanctionner sa politique envers les Palestiniens.
"Pour moi, tout juif qui vote pour un démocrate, cela montre soit un manque total de connaissances, soit une grande déloyauté", a-t-il lancé depuis le Bureau ovale.
Interrogé sur ces propos avant de s'envoler pour le Kentucky hier, mercredi 21 août, il a répété que les juifs votant pour le parti démocrate sont "déloyaux envers le peuple juif et très déloyaux envers Israël".
"Les démocrates se sont vraiment éloignés d'Israël. Je ne peux pas comprendre comment ils peuvent faire ça", a-t-il ajouté.
Dès mardi soir, des personnalités de la communauté juive américaine -forte de plus de 5 millions de personnes, ayant voté démocrate à près de 80% lors des élections de mi-mandat de 2018, selon le Pew Research Center-dénonçaient cette notion de "loyauté", reprochant au président d'alimenter l'antisémitisme en l'utilisant.
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Le président "ne dit pas clairement envers qui les juifs seraient +déloyaux+, mais les accusations de déloyauté sont utilisées depuis longtemps contre les juifs", avait ainsi tweeté Jonathan Greenblatt, président de l'Anti-Defamation League, puissante organisation de lutte contre l'antisémitisme.
Donald Trump "n'a pas le droit de dire aux juifs américains ce qui est le mieux pour eux et d'exiger leur loyauté", avait estimé aussi Halie Soifer, directrice du Jewish Democratic Council For America.
Hier, mercredi, les critiques se sont emballées sur Twitter. D'abord sous le mot-clé #DisloyaltoTrump ("déloyal envers Trump"), puis sous celui de #KingofIsrael, après que le président s'est montré flatté qu'un commentateur radio conservateur l'eut qualifié de "Roi d'Israël", pour sa défense sans faille de l'Etat hébreu.
"Aucun président n'est proche d'en avoir fait autant que moi" pour Israël, s'est félicité Donald Trump, qui depuis son arrivée à la Maison Blanche mène une politique plus pro-israélienne que celle de ses récents prédécesseurs.
Pourtant, au-delà de cette dernière controverse, plusieurs juifs new-yorkais, traditionnellement proches du parti démocrate, notamment sur la nécessité de défendre les migrants, disent ressentir un malaise grandissant face à certaines prises de positions de ce parti.
Le président américain "n'aurait pas dû" faire ces commentaires, "je n'aime pas qu'on mêle les juifs à des discussions sur les partis politiques", dit à l'AFP Ben Mizrachy, dynamique retraité de 80 ans, en se rendant à un cours d'hébreu dans un centre d'animation de la communauté juive à Manhattan.
"Mais la vérité est qu'un certain nombre de juifs, même ceux qui ont toujours voté démocrate comme moi, sont déçus par le parti démocrate", ajoute-t-il, reprochant notamment aux dirigeants du parti leur inaction face aux prises de position "proches de l'antisémitisme" de certains de ses membres.
"Cela fait un moment" que le parti démocrate affiche des positions plus pro-palestiniennes, mais "c'est beaucoup plus net depuis quelques années", estime aussi Shmuel Asher, responsable des bourses dans une université de Baltimore.
Bien qu'enregistré comme électeur démocrate, ce juif orthodoxe de 35 ans est déjà prêt à soutenir Donald Trump pour la présidentielle de novembre 2020.
Shmuel Asher explique notamment son soutien par deux "mesures importantes" prises par le milliardaire depuis son arrivée à la Maison Blanche: le déménagement de l'ambassade des Etats-Unis en Israel de Tel-Aviv à Jérusalem, et le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, qu'a toujours dénoncé le gouvernement israélien.
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Susan Bardfield, retraitée, reste elle fermement démocrate, et plus anti-Trump que jamais.
Mais cette New-Yorkaise reconnaît que les juifs "ne forment pas un bloc uni" et se divisent sur Donald Trump, comme le reste du pays.
"Tous les juifs que je connais qui votent Trump votent ainsi à cause (de sa défense) d'Israël", confie-t-elle.
En attendant de savoir si ce malaise pourrait peser sur le vote juif à la présidentielle 2020, une chose est sûre: Donald Trump semble décidé à alimenter la polémique sur ces sujets, comme il l'a encore montré récemment en demandant à Israël d'interdire Ilhan Omar et Rashida Tlaib d'entrer sur son territoire.