Ces puissantes plateformes -qui mettent en relation acheteurs et vendeurs de biens ou des services à partager -- ont déjà largement chamboulé des secteurs entiers, leur valant souvent critiques et déconvenues.
Leurs entrées en Bourse, très attendues, vont leur permettre de lever des fonds sur les marchés: peut-être un tournant qui pourrait entraîner encore de nouveaux bouleversements.
Avec ces services à la demande, qui ont commencé à émerger au tournant des années 2010, posséder une voiture ou un logement, par exemple, est de moins en moins considéré comme une nécessité. Ils ont aussi eu de puissants effets sur le monde de travail, suscitant au passage d'âpres débats et de casse-tête juridiques.
La plateforme de réservation de voiture avec chauffeur Lyft, concurrent numéro un d'Uber aux Etats-Unis, devrait ouvrir le bal avec un projet d'IPO ("Initial public offering") officialisé la semaine dernière. Actuellement évaluée à environ 15 milliards, elle pourrait envisager de pousser à 20-25 milliards de dollars.
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Uber devrait suivre avec des ambitions colossales, autour de 100 milliards de dollars.
Que ce soit pour partager des voitures (avec ou sans chauffeur), des vélos, des trottinettes, des logements ... le nombre de startup a explosé. Même l'immobilier de bureau est chamboulé par WeWork (bureaux partagés à louer de façon très flexible), qui vaut quelque 45 milliards de dollars.
"On est encore aux débuts de l'économie du partage", estime Arun Sundararajan, professeur à l'Université de New York et spécialiste du secteur.
"Je pense que l'on verra apparaître de grosses plateformes du secteur des services, comme dans la santé ou peut-être les énergies alternatives", poursuit-il.
Les dépenses des consommateurs vers ces plateformes ont grimpé de 58% en 2017 pour atteindre 75,7 milliards de dollars aux Etats-Unis, selon le cabinet Rockbridge Associates.
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Pour autant, "je ne les vois pas comme les futurs Amazon ou Apple car ils prospèrent sur des marchés étroits et vont commencer à connaître la concurrence des acteurs traditionnels, dont certains sont très malins", pense Charles Colby, de Rockbridge Associates.
Uber et Lyft font notamment face aux protestations des taxis et Uber a été interdit ou limité dans plusieurs pays tout comme Airbnb, accusé de bouleverser l'immobilier et le marché hôtelier.
C'est dans le transport que l'économie du partage devrait avoir le plus de conséquences, estiment les experts, en changeant radicalement les paysages urbains, où la voiture particulière deviendra l'exception.
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Pour le cabinet RethinkX, le nombre de voitures aux Etats-Unis baissera de 80% d'ici 2030 et 95% des trajets se feront en véhicules autonomes électriques à réserver.
L'économie du partage est "prête pour le +prime time+", résume Saif Benjaafar, spécialiste du sujet à l'Université du Minnesota.
Paradoxe: Lyft et Uber perdent des sommes astronomiques.
Ce qui fait évoquer à certains les risques d'une nouvelle bulle internet, qui explosa en 2000.
Mais la force de ces plateformes aujourd'hui, c'est leur croissance solidement installée et c'est cela qui intéresse avant tout les investisseurs, qui misent aussi sur la voiture autonome, sur laquelle travaillent Lyft et Uber.
Les deux services de VTC ont "démontré la viabilité du modèle économique: la possibilité d'opérer à grande échelle sur différents marchés", explique M. Benjaafar.
Ces entreprises ont su montrer la viabilité d'une activité "reposant sur la confiance entre des personnes qui ne se connaissent pas" et sur le recours à des biens déjà existant (voitures, logements) mais sous-utilisées, évitant du même coup des investissements importants, explique-t-il encore.
Mais, prévient-il cependant, "reste à savoir dans quelle mesure (cela) peut se traduire en bénéfices".
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L'autre pilier de cette économie, relève encore l'enseignant, c'est le recours "à une main d'oeuvre indépendante et occasionnelle": flexibilité pour les uns, précarité pour les autres.
Ce qui lui vaut aussi des déboires, notamment en Europe, où certains tribunaux estiment qu'il y a bien un rapport de subordination entre les firmes et leurs chauffeurs. Et donc qu'elles doivent en assumer les conséquences et coûts en terme de protection sociale (chômage, maladie, retraite...).