Les négociateurs russes sont arrivés hier, lundi, à Istanbul, où une précédente séance de négociations avait déjà eu lieu le 10 mars, au niveau des ministres des Affaires étrangères, mais n'avait débouché sur aucune avancée. Les discussions se sont ensuite poursuivies par visioconférence.
Un des points importants des négociations porte sur «les garanties de sécurité et la neutralité, le statut dénucléarisé de notre Etat», a déclaré dimanche dernier le président ukrainien Volodymyr Zelensky à des médias russes.
Ce point «est étudié en profondeur» mais il rendra nécessaires un référendum et des garanties de sécurité, a-t-il prévenu, accusant son homologue russe Vladimir Poutine et son entourage de faire «traîner les choses».
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Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a cependant tempéré les attentes hier, lundi, soulignant l'absence d’«avancées significatives» dans les négociations jusqu'à présent.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a indiqué par la suite sur le site de son ministère que M. Zelensky avait «donné des instructions très claires à notre délégation. Nous ne marchandons pas les personnes, ni territoire ou la souveraineté».
D'après lui, l'objectif a minima des discussions en Turquie est de résoudre les problèmes humanitaires et le but ultime est de décrocher un cessez-le-feu stable.
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a jugé qu'une rencontre entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, que ce dernier appelle de ses voeux, serait pour l'heure «contre-productive».
Le conflit a déjà contraint près de 3,9 millions d'Ukrainiens à fuir leur pays, selon l'ONU, qui va chercher de son côté à obtenir un «cessez-le-feu humanitaire».
Reprise de terrainLes autorités ukrainiennes ont annoncé hier soir qu'Irpin, théâtre de féroces combats dans la banlieue de Kiev, avait été «libérée» des forces russes.
«Les occupants sont repoussés d'Irpin, repoussés de Kiev. Cependant, il est trop tôt pour parler de sécurité dans cette partie de notre région. Les combats continuent. Les troupes russes contrôlent le nord de la région de Kiev, disposent de ressources et de main-d’oeuvre», a déclaré Volodymyr Zelensky dans une vidéo lundi soir.
Un responsable américain de la défense a indiqué les Russes étaient «statiques» autour de Kiev. «Non seulement ils ont cessé de progresser vers la ville mais (...) ils ne font aucun effort pour avancer», se contentant de tirer des missiles, a-t-il relevé.
Dans les régions de Tchernigiv, Soumy, Kharkiv, du Donbass, et dans le sud de l'Ukraine, «la situation reste partout tendue, très difficile», a-t-il souligné.
L'état-major ukrainien a affirmé en début de nuit de ce mardi que ses troupes avaient «bloqué la progression de l'ennemi dans la région de Tchernigiv».
«L'ennemi est affaibli, désorienté, la plupart n'a plus de soutien logistique et se trouve coupée du gros des troupes», a-t-il relevé sur la situation de l'armée russe en général.
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D'autres combats se déroulent dans plusieurs localités autour de la capitale.
«L'ennemi tente d'effectuer une percée autour de Kiev et de bloquer les routes», a affirmé Ganna Malyar, vice-ministre de la Défense, soulignant que «la défense de Kiev» se poursuit.
Des combats acharnés se déroulaient aussi dans l'est, notamment autour de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, proche de la frontière russe.
Dans cette région sont déployés des mercenaires russes du groupe Wagner, a indiqué hier, lundi, le ministère britannique de la Défense, estimant que plus d'un millier de ces hommes pourraient être amenés à combattre dans le pays.
Contre-offensiveLes soldats ukrainiens ont aussi repris le contrôle de Mala Rogan, un petit village à environ quatre kilomètres à l'est de Kharkiv, a constaté l'AFP, qui a vu deux corps de soldats russes gisant dans une allée et plusieurs blindés russes détruits.
Dans le sud, l'étau russe semblait aussi se desserrer autour de certaines villes, comme Mykolaïv, une ville-verrou sur la route d'Odessa, le plus grand port d'Ukraine.
Le front a même sensiblement reculé, avec une contre-offensive ukrainienne sur Kherson, à quelque 80 km au sud-est, seule ville d'importance dont l'armée russe a revendiqué la prise totale depuis son invasion le 24 février.
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Non loin de là, au nord de la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014, le responsable militaire de la ville de Kryvyi Rih a affirmé dans la nuit de mardi que les forces russes avaient «été repoussées à 40-60 km de la ville».
Les autorités ukrainiennes ont affirmé avoir des «preuves» de l'utilisation par les forces russes de bombes à sous-munitions -armes interdites par les conventions internationales- dans les régions d'Odessa et de Kherson, dans le sud.
Blocus de MarioupolVolodymyr Zelensky a dénoncé dimanche dernier un blocus total de la ville de Marioupol, cité portuaire stratégique sur la mer d'Azov dont l'armée russe tente de s'emparer depuis fin février. Environ 160.000 personnes y sont toujours coincées, selon son maire Vadim Boïtchenko.
Le responsable américain a noté «beaucoup de combats intenses» mais avec des missiles à longue portée car l'armée russe «n'a pas été en mesure de prendre Marioupol».
Selon Tetyana Lomakina, conseillère de la présidence ukrainienne, «environ 5.000 personnes ont été enterrées (à Marioupol, Ndlr), mais les gens ne sont plus enterrés depuis dix jours à cause des bombardements continus». Elle a estimé qu'il pourrait y avoir en réalité «autour de 10.000 morts».
Le président français Emmanuel Macron doit discuter ce mardi avec Vladimir Poutine «pour sécuriser l'opération humanitaire à Marioupol», a-t-il dit en marge d'un déplacement à Dijon (France), précisant que l'objectif était de la lancer «dans les tout prochains jours».
«Il y a aujourd'hui de la part de la Russie un non-respect du droit humanitaire international», a-t-il déploré.
«Toutes les entrées et sorties de la ville sont bloquées (...), il est impossible de faire entrer à Marioupol des vivres et des médicaments», a affirmé hier, lundi, le président ukrainien, accusant les forces russes de bombarder les convois d'aide humanitaire.
Un sentiment partagé par l'ONG Amnesty International: «nous sommes dans des attaques intentionnelles d'infrastructures civiles, d’habitations», des bombardements d'écoles, a déclaré mardi à l'AFP la secrétaire générale de l'ONG Agnès Callamard, accusant la Russie de permettre des couloirs humanitaires pour les transformer en un «piège mortel».
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L'invasion russe en Ukraine est une «répétition» de la Syrie avec une «multiplication des crimes de guerre», a alerté l'ONG lors de la présentation ce mardi à Johannesburg de son rapport 2021-2022.
Pendant ce temps-là, le Kremlin continue d'essayer de contrôler la narration des événements.
Selon Sergueï Lavrov, un décret est en préparation pour limiter l'accès au territoire russe des ressortissants de pays auteurs d'actes «inamicaux» à l'égard de la Russie, visée par une multitude de sanctions depuis le déclenchement de son offensive.
Le pouvoir russe a fait voter après son offensive plusieurs lois prévoyant de lourdes peines, pouvant aller jusqu'à quinze ans de prison, pour la diffusion de ce que les autorités considèrent comme de «fausses informations» sur l'armée.
La simple utilisation du mot «guerre» par des médias ou des particuliers pour décrire l'intervention en Ukraine est passible de poursuites, le Kremlin et ses médias utilisant le terme d’«opération militaire spéciale».
Et Vladimir Poutine a promulgué vendredi soir une loi réprimant dans une même proportion les «informations mensongères» sur l'action de Moscou à l'étranger.