Débuts chaotiques et déboires judiciaires pour Donald Trump

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Cascade de polémiques, cote de popularité plombée, craquements au sein de son propre parti, revers judiciaires: Donald Trump avait probablement rêvé de débuts à la Maison Blanche plus triomphants.

Le 10/02/2017 à 09h00

Arrivé au pouvoir sans la moindre expérience politique, l'homme d'affaires septuagénaire achève sa troisième semaine dans le Bureau ovale sur un camouflet: la justice a confirmé la suspension de son décret sur l'immigration dont il avait fait un symbole.

Au-delà des orientations politiques, son style - provocateur, abrasif - a contribué à galvaniser ses opposants et a piqué au vif une partie de la société américaine entrée, avec détermination, en "résistance".

Le "président Trump" a poussé des millions d'Américains dans les rues, braqué une partie de l'administration. Et, sur le front diplomatique, réussi à irriter nombre de dirigeants de grands pays alliés, de l'Australie à l'Allemagne.

Loin de son discours de victoire du 8 novembre qui avait brièvement laissé entrevoir une tonalité rassembleuse - "L'heure est venue de panser les plaies de la division" - Donald Trump a clairement fait le choix de s'adresser à sa base électorale. Et à elle seule.

Le pari est politiquement risqué.

D'autant qu'il est désormais engagé dans un combat judiciaire qui s'annonce long et ardu, et pourrait se terminer devant la Cour suprême, sur son décret anti-immigration, signé au nom de la lutte contre le terrorisme.

La décision jeudi d'une Cour d'appel de San Francisco, qui a confirmé sa suspension, est un revers de taille.

Le clan Trump souligne, à raison, que la justice ne s'est pas prononcée sur le fond et que l'affaire est loin d'être tranchée.

Mais le symbole est fort. Comme le fait que les trois juges qui l'ont désavoué à l'unanimité aient été nommés par des présidents démocrates comme républicain : Jimmy Carter, George W. Bush et Barack Obama.

"RENDEZ-VOUS AU TRIBUNAL, LA SECURITE DE NOTRE NATION EST EN JEU!", a-t-il réagi d'un tweet tout en majuscules dont il s'est fait une spécialité pour exprimer sa colère et son exaspération.

D'autres présidents avant lui ont - bien sûr - été frustrés par des décisions de justice.

Mais la façon - passionnelle, personnelle - dont il a réagi et ses attaques d'une extrême virulence contre certains juges et les tribunaux en général, ont surpris.

Dans un essai intitulé Les principaux rivaux de Trump portent la robe, l'éditorialiste du New York Times Charles Blow rappelle que Barack Obama avait, en 2010, fait connaître tout le mal qu'il pensait d'une décision de la Cour suprême sur le financement de la vie politique. Mais, souligne-t-il, "il l'avait fait en confinant son mécontentement à la décision elle-même".

"Les seuls tribunaux que Trump considère comme légitimes sont ceux qui se plient à son bon vouloir", ajoute-t-il. "Il ne veut pas être président, mais empereur", conclut-il.

Après la victoire surprise du magnat de l'immobilier, Barack Obama a répété - peut-être pour rassurer un camp démocrate déboussolé et tétanisé - que l'importance et la gravité de la tâche avaient pour effet de changer celui qui en héritait.

Or une chose fait peu de doute à ce stade: la présidence n'a pas changé Donald Trump.

Et une partie au moins de son équipe semble déterminée à coller au plus près à la stratégie de campagne et à appliquer à la présidence les recettes qui ont fonctionné dans les meetings, du Wisconsin à la Pennsylvanie.

De fait, toutes les études montrent que le socle d'électeurs qui l'a porté au pouvoir reste solidement derrière lui.

"Une des raisons pour lesquelles le président a été élu est qu'il dit ce qu'il pense", affirmait jeudi Sean Spicer, son porte-parole. "Il ne se retient pas, il est sincère. Il ne va pas juste s'assoir et regarder".

Reste à savoir si les déboires de ses 20 premiers jour au pouvoir, et les voix discordantes - encore peu nombreuses mais en hausse - dans le camp républicain, le pousseront à changer de cap, ou de registre.

Pour l'écrivain et célèbre animateur de radio Garrison Keillor, la réponse est non.

"Ce que nous savons est que cet homme est comme ça. Il n'y a pas une autre homme à l'intérieur, avec plus de hauteur ou de finesse qui essaye de sortir", écrivait-il dans un éditorial publié il y a quelques jours dans le Chicago Tribune.

"Tous ceux qui observent la situation avec attention le savent".

Le 10/02/2017 à 09h00