Xi Jinping a obtenu ce vendredi un historique troisième mandat de président chinois, après un vote à l’unanimité du Parlement, l’aboutissement d’une ascension qui l’a vu devenir le dirigeant le plus puissant du pays depuis des générations.
Le résultat du vote des députés, sans appel (2.952 votes pour, zéro contre, zéro abstention), a été accueilli par un tonnerre d’applaudissements des parlementaires réunis à Pékin, dans l’immense Palais du peuple bordant la place Tiananmen. Le Parlement étant, dans la pratique, inféodé au Parti communiste (PCC) au pouvoir, l’issue du scrutin ne faisait aucun doute.
«Unique candidat, Xi Jinping a été reconduit pour un troisième mandat de 5 ans comme chef de l’Etat chinois.»
Le dirigeant de 69 ans avait déjà obtenu en octobre une prolongation de cinq ans au sommet du PCC et de la commission militaire du Parti, les deux postes de pouvoir les plus importants en Chine. Seul candidat, Xi Jinping a été reconduit pour la même durée comme chef de l’Etat. Et pour ce nouveau mandat, il sera confronté à quatre principaux défis: l’économie, les tensions avec les Etats-Unis, la question de Taïwan et les droits humains.
Economie au ralenti
Le ralentissement économique de la Chine sera certainement un sujet central de son nouveau mandat de cinq ans. Mais sa décision de s’entourer exclusivement de fidèles fait craindre qu’il ne privilégie l’idéologie au détriment de la croissance. Vendredi à la mi-journée, la Bourse de Hong Kong chutait d’ailleurs de 2,46%.
La deuxième économie mondiale, longtemps habituée à des rythmes de croissance élevés, a vu son PIB progresser de seulement 3% en 2022, sous l’effet des restrictions sanitaires et de la crise immobilière. Pour 2023, le gouvernement vise «environ 5%», un des objectifs les plus faibles depuis des décennies.
Et le profil de ceux que Xi Jinping a choisis aux postes les plus élevés du gouvernement laisse penser que l’ère des réformes libérales est révolue et que désormais, c’est essentiellement l’Etat qui mènera la danse.
S’il espérait faire de la consommation le nouveau moteur de l’économie, force est de constater que celle-ci n’est pas encore au rendez-vous. Quant à son concept de «prospérité commune», censé réduire les écarts de richesse dans la population, M. Xi semble plus discret sur le sujet ces derniers mois.
Tensions avec Washington
Les relations bilatérales ont viré à l’aigre ces dernières années, sur fond de compétition technologique et commerciale, droits humains ou encore bataille sur l’origine du Covid-19. Une visite prévue en février par le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a été reportée in extremis après que l’administration Biden a abattu un ballon chinois qu’elle accusait d’espionnage sur son territoire. Des affirmations démenties par la Chine.
Depuis, le ton n’a cessé de monter sur le front diplomatique. Mardi, le ministre des Affaires étrangères Qin Gang a prévenu du risque de «conflit et confrontation» si Washington ne change pas de cap. Xi Jinping lui-même a émis une rare critique directe des autorités américaines, en leur reprochant nommément d’entraîner les pays occidentaux dans «une politique d’endiguement, d’encerclement et de répression contre la Chine».
La question de Taïwan
Fort de son nouveau mandat, Xi Jinping pourrait peut-être décider que le moment est venu pour Pékin de s’emparer de l’île, administrée par un gouvernement démocratique et que la Chine revendique comme faisant partie de son territoire.
Le sujet est devenu de plus en plus sensible ces dernières années, comme l’a illustré la visite en août dernier à Taïwan de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre américaine des représentants. Furieuse, la Chine avait répliqué en lançant les plus importantes manoeuvres militaires de son histoire autour de l’île. En octobre, le Parti communiste a inclus pour la première fois dans sa constitution son opposition à l’indépendance du territoire insulaire.
Toute invasion chinoise de Taïwan aurait un effet dévastateur sur les chaînes mondiales d’approvisionnement, compte tenu du rôle crucial de l’île dans la production de semi- conducteurs, composants indispensables à une multitude d’appareils électroniques. Elle provoquerait aussi l’indignation des Occidentaux, isolerait la Chine et rapprocherait plus que jamais Pékin et Washington d’une confrontation armée directe.
Pékin a annoncé dimanche une hausse de son budget de la Défense de 7,2%, son rythme le plus élevé depuis 2019. Cette hausse « soutenue, d’année en année » du budget militaire fait «sonner creux» l’affirmation chinoise selon laquelle la modernisation de son armée ne menace pas ses voisins, estime Drew Thompson, chercheur invité à l’Ecole de politiques publiques Lee Kuan Yew de l’université nationale de Singapour. Les dépenses militaires chinoises restent cependant aux alentours des 2% du PIB, un taux inférieur à celui des Etats-Unis.
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Droits humains
Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping fin 2012, la société civile a quasiment disparu, l’opposition a été étouffée et des dizaines de militants sont en prison.
Au Xinjiang (nord-ouest), Pékin est accusé d’avoir interné dans des «camps» au moins un million de personnes, principalement de la minorité musulmane ouïghoure, en réponse à une vague d’attentats sanglants ayant frappé la région. Certaines études occidentales évoquent un «génocide» en raison de cas de stérilisations et d’avortements présentés comme «forcés». La Chine réfute toutes ces allégations.
Un rapport de l’ONU évoque la possibilité de «crimes contre l’humanité» dans la région mais ne reprend pas le terme de «génocide», utilisé notamment par les Etats-Unis. La situation en matière de droits humains a peu de chance de s’améliorer durant le troisième mandat de Xi Jinping, dont le pouvoir semble désormais inébranlable et insensible aux pressions internationales.