Certification halal à la Grande Mosquée de Paris: l’arnaque qui rapporte des millions d’euros au régime d’Alger

Une enquête du journal français L'Opinion, publiée le 20 janvier 20205, revient sur le système monopolistique de certifications halal pratiqué à la Grande Mosquée de Paris par son recteur Chems-Eddine Hafiz avec l’appui des autorités algériennes.

Une enquête du journal français L'Opinion, publiée le 20 janvier 2025, revient sur le système monopolistique de certifications halal pratiqué à la Grande Mosquée de Paris par son recteur Chems-Eddine Hafiz avec l’appui des autorités algériennes.

Le journal français L’Opinion a publié le 20 janvier une enquête sur le système monopolistique de certifications halal pratiqué à la Grande Mosquée de Paris, avec l’appui des autorités algériennes. Un système qui a tout d’une arnaque et qui cible l’ensemble des produits de l’Union européenne exportés vers l’Algérie. Cette manne fait l’objet de toutes les convoitises à El Mouradia.

Le 21/01/2025 à 14h56

C’est une enquête qui va faire beaucoup de bruit et risque fort de causer du tort au (petit) business orchestré par le régime d’Alger sous la coupole de la Grande Mosquée de Paris. Alors que l’institution religieuse est sous le feu des critiques depuis que son recteur, Chems-Eddine Hafiz a outrepassé sa fonction religieuse pour enfiler son costume officiel d’agent d’influence au service de Abdelmadjid Tebboune, l’article de L’Opinion confirme avec force détails et preuves la thèse des réseaux d’influence tissés par le régime d’Alger en France, quitte à tirer profit de la religion pour engranger illégalement des profits.

Ces profits se chiffrent en l’occurrence, au titre de l’année 2024, à cinq millions d’euros pour la simple apposition d’un logo «halal» sur les produits exportés depuis l’Union européenne vers l’Algérie. Le chiffre est astronomique, mais il est pourtant encore très loin du compte au vu des estimations passées au peigne fin par le journal. Voici le système crapuleux mis en place par l’Algérie et le recteur de la Grande Mosquée de Paris, au nez et à la barbe de la France et de l’Union européenne qui lui fournissent pourtant quantité d’aides au développement.

La certification halal, un logo qui vaut de l’or

Ce prétendu haut lieu de l’islam qu’est censée représenter la Grande Mosquée de Paris abrite depuis fin 2022 un business lucratif, date à laquelle s’y est installé le siège d’une entreprise «florissante» de certification halal, «imaginée par son recteur, Chems-Eddine Hafiz, et couronnée par une convention signée le 20 décembre 2022, avec le ministre du Commerce algérien, Kamel Rezig. Sous le haut patronage du président Abdelmadjid Tebboune», annonce le journal L’Opinion.

En quoi la chose consiste-t-elle? Avec l’appui des autorités algériennes, c’est à la Grande Mosquée de Paris que revient la responsabilité de certifier «halal» les produits européens à destination… de l’Algérie. Sans le label désormais apposé par la GMP, «aucun industriel européen ne peut espérer passer les douanes algériennes», dénonce le journal. Un système monopolistique qui s’apparente en fait à une taxe obligatoire appliquée aux produits européens. Et contre toute attente, la certification ne concerne pas que la viande ou les produits susceptibles de contenir de l’alcool. En effet, le 20 septembre 2023, «le ministère de l’Industrie et de la Production pharmaceutique a édicté depuis Alger une liste très large de produits devant impérativement être certifiés», apprend-on.

Sont concernés, «produits laitiers, huiles, confiseries, gâteaux et biscuits, préparations pour nourrissons, arômes», énumère l’enquête en rappelant à juste titre que les sources scripturaires du Coran et de la Sunna ne commandent pas de telles obligations. En effet, appuie l’islamologue Ghaleb Bencheikh, «élargir le halal aux cosmétiques et aux biscuits est un non-sens théologique total».

Mais qu’à cela ne tienne, ce «guichet unique» est une aubaine pour le régime d’Alger qui dicte ainsi sa loi aux industriels exportateurs, les privant de la possibilité de travailler avec l’organisme de certification de leur choix. Voilà ce qu’il en coûte pour commercer avec l’Algérie.

Le financement du culte musulman, l’alibi pour pratiquer un odieux chantage

Pour réussir ce tour de passe-passe, une société commerciale, régie par les dispositions du Code du commerce a été déposée sous le nom de «Grande Mosquée de Paris–certification halal», révèle la publication, avec un siège social hébergé dans les locaux de la mosquée qui, elle, est régie par l’association «Société des Habous et lieux saints de l’islam» selon la loi 1901, gestionnaire de la mosquée, qui ne peut extraire et repartager des bénéfices.

Le recteur de la GMP, Chems-Eddine Hafiz, se trouve être le président associé unique de cette société dont Mohammed Lounoughi, son bras droit, est directeur général. Par ailleurs, la société ne déclare que trois salariés… pour un chiffre d’affaires dépassant 5 millions d’euros! «Des personnels administratifs, à en croire Chems-Eddine Hafiz. Pas des contrôleurs qui se rendent sur les lieux de production», note L’Opinion.

Mieux encore, «les deux hommes peuvent gérer de manière autonome les fonds de cette entreprise sans être soumis aux obligations de transparence vis-à-vis de l’association des Habous», explique L’Opinion. Ainsi, se défend le recteur rencontré par le journal le 15 janvier, «je ne touche pas d’argent, tout va à la gestion du culte musulman», évoquant, sans rentrer davantage dans les détails, des dons à des associations.

Une position que conteste formellement Amar Dib, ex-conseiller spécial de Dalil Boubakeur, ancien recteur de la GMP. «C’est purement mercantile, cet argent ne sert pas à salarier les imams mais à financer le train de vie des dirigeants de la mosquée», accuse-t-il. Une situation incompréhensible dont Alain Bauer, professeur de criminologie, souligne l’ironie en questionnant à juste titre: «Est-ce qu’une institution soi-disant nationale et religieuse a un pouvoir douanier? C’est un peu comme si Donald Trump habilitait les Southern Baptists pour l’importation du cognac.»

Quant aux clients pratiquants qui pensent consommer un vrai produit certifié halal, qu’ils passent leur chemin! En effet, révèle un industriel du lait, «la crédibilité du certificat halal, c’est zéro. Personne ne vient vérifier quoi que ce soit!». Comment cette nouvelle société le pourrait-elle, elle qui mentionne comme collaborateur externe le laboratoire Biomérieux, lequel, explique L’Opinion, «même en faisant des analyses poussées sur les échantillons de produits que la mosquée dit lui fournir, peut difficilement garantir leur licéité religieuse».

Une coquille vide qui rapporte gros

«En bonne entente avec le pouvoir algérien, la GMP s’est ainsi constituée une jolie source de financement», commente le journal qui, après analyse des données transmises par l’administration fiscale, annonce un chiffre d’affaires de 1,7 million d’euros pour l’année 2023 «avec un résultat d’exploitation de 1 million – la société fait valoir qu’il ne s’agit que d’un demi-exercice». En 2024, le juteux business prend de l’ampleur avec un chiffre d’affaires, selon les services de comptabilité de la GPM, «qui devrait avoisiner 5 millions d’euros», soit 2,9 millions d’euros de résultat d’exploitation en 2024, extrapole le journal. Un chiffre d’affaires au titre de l’année 2024 qui dépasse de loin les dotations accordées par l’Algérie à la GMP, lesquelles sont de l’ordre de 1,7 et 1,8 million d’euros, «selon les dires du recteur», précise-t-on.

Mais les chiffres avancés par la GMP sont en fait loin de la réalité, révèle L’Opinion qui s’est procuré le barème des tarifs en vigueur depuis le 26 juin 2023, communiqués par la GPM et corroborés par les filières. Ainsi, apprend-on, pour une certification halal, les industriels européens doivent débourser 2 centimes par kilo de poudre de lait, 6 ct le kg de fromage, 10 ct le kg de biscuit, 10 ct par kg d’huile, ou 10 ct par kg de chocolat ou d’additifs. Quand on sait que l’Algérie est l’un des plus grands importateurs de poudre de lait au monde, il y a de quoi avoir le vertige.

Le journal ne s’y trompe pas d’ailleurs. «En se basant sur les volumes d’exportation de fromages et de poudres de lait français vers l’Algérie, 55.000 tonnes en 2023, la facture se monterait à 2,2 millions d’euros en année pleine pour la seule filière laitière française», annonce L’Opinion. Et il ne s’agit là que des exportations françaises à destination de l’Algérie! Après avoir élargi le calcul à toutes les filières et à tous les pays européens –sachant que l’Algérie importait en 2022 seulement 14% de son alimentation depuis la France – le journal conclut à un chiffre d’affaires beaucoup plus important que les 5 millions d’euros prétendument attendus en 2024.

Une entrave assumée au commerce avec l’Union européenne

Comment ce système a-t-il pu être mis en place à la barbe des autorités françaises qui «n’ont pas été informées» et de l’Union européenne, interroge le journal. Louis-Xavier Thirode, le conseiller «cultes et immigration» de Gérald Darmanin, «dit avoir découvert cette situation à son retour au ministère de l’Intérieur aux côtés de Bruno Retailleau, en septembre 2024. Et ce, malgré sa proximité personnelle avec Chems-Eddine Hafiz», rapporte L’Opinion.

L’Union européenne, quant à elle, a commencé à s’émouvoir de ce business peu scrupuleux qui se fait à ses dépens. Ainsi, l’ancien commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, a-t-il contacté les autorités algériennes, après avoir été alerté par des entreprises agroalimentaires, pour dénoncer ce nouveau système qui entrave le commerce avec l’Union européenne, soulignant les «graves impacts» de ce monopole sur les exportations des produits agroalimentaires vers l’Algérie.

D’autant que, dénonce un industriel du lait, cette certification n’a aucune crédibilité, car il suffit de la payer pour l’obtenir. «Il n’y a pas de réels contrôles (…). Dans le secteur, on s’est vite aperçu que toutes ces formalités nouvelles, c’était pour “emmerder” les entreprises françaises, ce qui est vraiment un bonus pour Alger. Et c’est strictement financier», dénonce-t-il ainsi.

La réaction de Chems-Eddine Hafiz face à l’ire des entreprises européennes en dit long sur le personnage. Droit dans ses bottes, le recteur a fait savoir le 20 septembre 2024, dans un communiqué de la GMP «qu’elle n’entendait pas revoir ses pratiques, malgré les alertes envoyées par Bruxelles», allant jusqu’à prétendre qu’ «aucune entreprise européenne bénéficiant de la certification de la Grande Mosquée de Paris ne s’est plainte des prestations réalisées en temps, en heure et en qualité». Une déclaration aussi mensongère que les revenus déclarés par sa nouvelle société, car révèle L’Opinion, «une procédure de règlement des différends a été engagée par la Commission européenne à la demande de la direction générale du Trésor en France», et une réunion s’est même tenue le 11 décembre à la GMP «en présence d’exportateurs français, de représentants de la Commission européenne et des membres de la GMP». Ordre du jour: prix et réalité des contrôles.

Quid du silence observé par la France sur ces zones d’ombre? L’Opinion révèle qu’en 2019 déjà, existaient des réticences place Beauvau sur la question de la certification du halal: «Si on faisait la vérité sur les chiffres de la part du halal en France, on servait un argument de campagne à Marine Le Pen», indiquaient ainsi des sources au sein des pouvoirs publics et à l’Élysée au journal, qui consacrait cette année-là une enquête à la certification de la viande halal. Autre argument brandi pour expliquer ce silence, la volonté de garder de bons rapports avec l’Algérie pour coopérer dans des dossiers portant sur «la libération des otages, la lutte antiterroriste, la lutte contre le trafic de drogues, des missions de médiation dans le grand désert», la maîtrise du flux migratoire. En contrepartie, les services de l’État français fermeraient les yeux. C’était du moins le cas tant que les rapports avec Alger étaient au beau fixe, car désormais, à mesure que les relations franco-algériennes se dégradent, les langues se délient.

L’enquête de L’Opinion a le mérite de jeter un éclairage cru sur la proximité de Tebboune avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris: depuis 2020, le président algérien a reçu à Alger, à huit reprises, Chems-Eddine Hafiz.

La famille Tebboune n’est pas un parangon de vertu. Elle a dû répondre dans le passé devant la Justice pour des affaires de corruption et de trafic de cocaïne. Le fils du président de la République algérienne, Khalid Tebboune, a été incarcéré, en 2019, dans l’affaire «El Bouchi», parce qu’impliqué dans le dossier des 701 kg de cocaïne saisis au port d’Oran, avant que son père n’ordonne sa libération une fois qu’il a été désigné par Gaïd Salah comme chef d’État.

Et Abdelmadjid Tebboune a eu à s’expliquer sur une fameuse carte de crédit, généreusement offerte par Rafik Khalifa alors même que l’actuel président de l’Algérie ne possédait même pas de compte dans Al Khalifa Bank, la banque éponyme du sulfureux homme d’affaires. L’actuel président algérien a dû se justifier devant le tribunal criminel de Blida au sujet de cette carte de crédit internationale gracieusement offerte par Rafik Khalifa. Tebboune a même avoué au juge qu’il «connai[ssait] Khalifa Abdelmoumene Rafik et [l’avait[ rencontré en 2001, et [lui[ avait demandé si la banque qu’il possédait procédait au change, car [s]es enfants s’apprêtaient à voyager et manquaient de devises». Rien d’étonnant donc au juteux business mis en place par Chems-Eddine Hafiz avec la complicité de Abdelmadjid Tebboune.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 21/01/2025 à 14h56