L’accord américano-ukrainien sur l’exploitation des ressources naturelles, qualifié de «véritablement équitable» par Kiev et de «gagnant-gagnant» par Washington, est l’aboutissement de semaines de pressions et de tractations. Voici ce que l’on sait de ce texte publié par le gouvernement ukrainien et commenté par des responsables des deux pays.
Louanges ukraino-américaines
Le président Donald Trump a maintes fois exigé une compensation de l’aide militaire et financière américaine versée depuis le début du conflit russo-ukrainien en février 2022.
Revenu au pouvoir le 20 janvier, il s’est rapproché de Moscou et n’a débloqué aucune nouvelle aide à Kiev, laquelle continue de recevoir celle décidée par le président précédent, Joe Biden.
Trump a chiffré le montant dû par Kiev à 500 milliards de dollars, soit plus du quadruple de l’aide fournie -environ 120 milliards de dollars- selon l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale (IfW Kiel).
L’Ukraine a rejeté plusieurs moutures de l’accord qu’elle jugeait très désavantageuses. Commentant celle signée le mercredi 30 avril, la ministre de l’Économie Ioulia Svyrydenko a prédit que sa ratification complète et sa mise en oeuvre prendraient «des mois».
Le président Volodymyr Zelensky s’est réjoui d’un «accord véritablement équitable» et son Premier ministre Denys Chmygal a loué «un bel accord international».
Du côté américain, le gouvernement a vanté «un partenariat historique et unique», qualifié de «gagnant-gagnant» par le secrétaire au Trésor Scott Bessent. Ce dernier a nié sur Fox Business qu’il s’agisse d’un accord où «la partie la plus puissante arrive et dit “tenez, cédez-nous votre patrimoine national”».
Comment fonctionne l’accord?
Les deux États doivent créer un fonds d’investissement pour la reconstruction de l’Ukraine, financé et géré à parts égales, et dont le conseil d’administration sera chapeauté par trois Ukrainiens et trois Américains.
Le fonds recevra 50% des redevances tirées de projets liés à l’exploitation de ressources naturelles de l’Ukraine (pétrole, gaz, minerais, terres rares), qui en conservera la propriété et le contrôle, ainsi que de leurs infrastructures.
L’exécutif américain affirme dans un document transmis à la presse que «si les États-Unis décident de faire l’acquisition de ces ressources pour eux-mêmes, ils auront le choix entre les acheter (directement) ou désigner l’acheteur de leur choix».
Les bénéfices du fonds seront réinvestis en Ukraine qui n’aura «aucune dette» à rembourser pour l’important «soutien financier» américain apporté depuis 2022, ont précisé les deux pays.
En revanche, toute nouvelle aide militaire américaine sera comptabilisée comme contribution au fonds. Enfin, l’accord n’empêche pas un processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.
Quelles ressources naturelles en Ukraine?
Cinquante-sept types de ressources naturelles -notamment gaz, pétrole, titane, lithium et des minerais rares- sont concernés. Selon diverses estimations, l’Ukraine concentre quelque 5% des ressources minières mondiales, mais toutes ne sont pas exploitées ou facilement exploitables. D’autres sont en territoires occupés par Moscou.
L’Ukraine est assise sur trois minerais stratégiques: le manganèse (8ème producteur mondial), le titane (11ème) et le graphite (14ème), composant essentiel de batteries électriques, dont elle minerai, dont le pays concentre près de 20% des ressources mondiales estimées.
L’Ukraine est aussi l’un des principaux pays d’Europe en matière de potentiel d’exploitation du lithium, tout aussi incontournable pour les batteries. En revanche, le pays n’est pas spécialement réputé pour ses réserves de terres rares, une catégorie très spécifique de 17 métaux indispensables à l’économie mondiale (écrans, drones, éoliennes, moteurs électriques...).
Pas de garantie de sécurité
L’Ukraine a maintes fois souligné que tout accord sur ses ressources naturelles devrait inclure des garanties de sécurité pour la Russie de l’attaquer à nouveau.
Mais le document signé mercredi ne mentionne aucun engagement américain précis en la matière. Toutefois, les États-Unis font valoir qu’en démontrant leurs intérêts économiques à défendre en Ukraine, ils envoient «signal très fort» à Moscou.








