Pourquoi considérez-vous la situation économique comme plus préoccupante pour le pouvoir algérien que le "Hirak"?Le "Hirak" ne constitue pas une menace à court terme pour le régime, bien au contraire grâce à ce mouvement populaire pacifique, l'armée a réussi à démanteler tous les réseaux financiers, économiques qui étaient liés à l'ancien président (Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission le 2 avril).
Il a été l'opportunité politique de se débarrasser de puissants réseaux civils qui s'étaient affranchis de la tutelle de l'armée.
Si le "Hirak" est gérable pour l'armée, la crise financière et économique qui arrive ne l'est pas.
L'effondrement du prix du baril de pétrole à partir de 2014 a réduit de moitié les recettes liées aux exportations d'hydrocarbures (qui représentent plus de 90% des recettes extérieures du pays, ndlr).
Les réserves de change (180 milliards de dollars en 2014, 50 milliards en 2020) (...) s'épuisent et il est à craindre qu'en décembre 2020, il ne reste plus grand-chose pour soutenir les dépenses en 2021.
Le gouvernement utilise le déficit budgétaire (7,2% du PIB) pour sécuriser les dépenses publiques et surtout les dépenses de l'armée (12 milliards de dollars).
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"Le mur" est devant, dîtes-vous, comment faire pour l'éviter?Depuis 2018, les autorités s'efforcent de réduire les dépenses de fonctionnement et d'équipements (-20%) et de limiter les importations.
Les autorités ne peuvent pas aller trop loin, le secteur public représente selon certains économistes 45% dans la formation de la valeur ajoutée. Plus de 400 entités publiques sont soutenus directement et il est difficile de mettre un terme à ces subventions publiques.
Il reste donc à augmenter les recettes fiscales: si les recettes fiscales pétrolières dépendent du prix du baril de pétrole et donc du marché pétrolier international, le gouvernement prévoit d'augmenter les recettes fiscales ordinaires (élargissement de l'assiette fiscale et meilleur recouvrement).
Ces mesures conjoncturelles seront insuffisantes et la probabilité est élevée de voir fin 2020 le gouvernement négocier des prêts, donc choisir l'endettement, pour compenser l'épuisement des réserves de change.
Politiquement, le gouvernement est contraint d'entretenir à n'importe quel prix les dépenses publiques afin de ne pas plonger l'Algérie dans une crise sociale aux conséquences et aux effets plus redoutées que les revendications du "Hirak".
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Le nouveau gouvernement vient d'adopter son "Plan d'action" axé sur la relance de l'économie. Mais ne risque-t-il pas précisément de fragiliser davantage le tissu social et donc alimenter une radicalisation du "Hirak"?Le "Plan d'action du gouvernement" est instructif car il part du constat de la nécessaire "moralisation de la vie publique" comme préalable à des réformes financières et à un renouveau économique.
Le sentiment que la vie publique est polluée par la corruption et l'incompétence est un grief ancien, dénoncée par toutes les tendances politiques, et cela depuis les années 80.
Le problème majeur de l'économie algérienne est qu'elle repose sur une hyper-dépendance vis-à-vis du marché pétrolier et à chaque crise se pose la question de nécessaires réformes de cette économie rentière, et chaque fois que le prix du baril repart à la hausse, les autorités privilégient la redistribution à l'investissement et à la diversification.
Diversifier l'économie, réduire la part des hydrocarbures dans le PIB, développer l'attractivité de l'Algérie constituent des réponses à termes. De telles réformes demandent du temps et la confiance de la société.
Or aujourd'hui, le gouvernement ne dispose d'aucun des deux. Il doit reconstruire dans l'urgence une vie politique, mettre en oeuvre son plan d'action et espérer que le prix du pétrole remonte!