Avions bloqués au sol, chaînes sous tension: cinq ans après le Covid, l’aéronautique mondiale toujours à la peine

Salon du Bourget 2023, à proximité de Paris, en France.

Livraisons en retard, pièces difficiles à trouver: malgré des améliorations, la chaîne d’approvisionnement de l’industrie aéronautique reste grippée cinq ans après le Covid-19, à quelques jours du salon du Bourget, le secteur craignant désormais de pâtir des guerres commerciales de Donald Trump.

Le 12/06/2025 à 07h31

Le salon du Bourget, qui s’ouvre lundi au nord de Paris, est souvent l’occasion de dévoiler d’importants contrats pour des avions de ligne. Mais les carnets de commande du duopole Airbus-Boeing débordent déjà.

Le géant européen doit livrer plus de 8.600 appareils et son concurrent américain quelque 5.900, soit largement dix ans de production aux rythmes actuels, que les avionneurs peinent à augmenter.

Les chaînes d’approvisionnement «sont par nature sous tension, parce qu’on aimerait qu’elles aillent plus vite qu’elles ne vont», a récemment concédé le président exécutif d’Airbus, Guillaume Faury, tout en notant une «forte amélioration» à l’exception de «goulets d’étranglement».

Il a évoqué à cet égard «les moteurs», les «aérostructures», les fuselages et les ailes, ainsi que «les panneaux, les meubles qu’on met dans les avions, où il y a eu une baisse très, très forte de la demande pendant les années Covid».

Les fournisseurs de ces pièces, qui ont parfois licencié au plus fort de la crise, doivent remonter en cadence tout en satisfaisant à deux types de demandes: la production d’avions neufs et la rénovation d’aéronefs déjà en service.

Pendant ce temps, les compagnies aériennes ne cachent pas leur exaspération.

«Colère» des compagnies

«Le secteur industriel est en train d’échouer lamentablement, et tout le monde dans cette salle ressent la même colère», a affirmé début juin le directeur général de l’Association internationale du transport aérien (Iata), Willie Walsh, lors de l’assemblée générale de l’organisation à New Delhi.

«Le nombre de livraisons (d’appareils neufs) prévues pour 2025 est 26% inférieur à ce qui était promis il y a un an» par les avionneurs, s’est indigné M. Walsh: «il est simplement inacceptable que les industriels estiment qu’il leur faudrait jusqu’à la fin de la décennie pour résoudre cette situation».

«On a un trafic qui est revenu au niveau pré-Covid, mais les livraisons d’avions restent très loin de ces niveaux-là», abonde Pascal Fabre, partenaire chez AlixPartners et spécialiste du secteur aérospatial.

«En gros il y a encore quatre ans de perturbations devant nous», renchérit Jérôme Bouchard, partenaire chez Oliver Wyman, rappelant qu’avant le Covid, les avionneurs étaient parvenus à produire quelque 1.900 appareils par an, contre 1.300 à 1.400 actuellement.

«Ces tensions nous coûtent de l’argent», a résumé à l’AFP Pascal de Izaguirre, président de la Fnam, porte-voix du secteur aérien français.

Faute d’appareils neufs, les compagnies doivent «continuer à exploiter des avions d’ancienne génération, plus coûteux», et à terme cette situation «pourrait avoir un impact sur la croissance de l’aérien», selon lui.

«Complexité supplémentaire»

Les fabricants redoutent de surcroît les effets des guerres commerciales déclenchées par le président américain Donald Trump, eux qui exploitent une chaîne industrielle et logistique dans le monde entier.

Europe et Etats-Unis avaient signé dès 1979 un accord commercial exemptant l’aéronautique civile de droits de douane.

«Pour éviter d’aggraver encore la situation, nous exhortons à épargner le secteur aérospatial des guerres commerciales», a plaidé Willie Walsh à New Delhi.

De telles mesures «amènent un grand niveau de complexité supplémentaire dans les flux tout au long de la chaîne de fournisseurs», a décrit M. Faury, évoquant «des coûts supplémentaires, mais aussi des ralentissements, des négociations, des interrogations».

En cas d’imposition effective de droits de douane de 10% à l’entrée, qui vont affecter les ailes et fuselages produits au Japon et en Italie, «nous ne pourrons pas faire passer (ces coûts) à nos clients», a prévenu le nouveau patron de Boeing, Kelly Ortberg, dans un entretien fin mai au journal spécialisé Aviation Week.

La Chine a récemment refusé de prendre livraison de Boeing lors d’une montée des tensions avec les États-Unis.

«Nous espérons qu’il ne va pas y avoir d’escalade (...) et que nous ne nous retrouverons pas dans la situation de ne pas pouvoir livrer les avions que nous sommes en train de produire», a prévenu M. Ortberg, disant être «en contact régulier avec l’administration, jusqu’au président», à ce sujet.

Par Le360 (avec AFP)
Le 12/06/2025 à 07h31