Ce nouveau partenariat vise à "établir une zone débarrassée de Daech et d'améliorer la sécurité et la stabilité le long de la frontière entre la Turquie et la Syrie", a déclaré à l'AFP un responsable militaire américain en marge d'une visite du président Barack Obama en Ethiopie.Longtemps accusé de complaisance vis-à-vis des organisations radicales en lutte contre le régime de Damas, le gouvernement islamo-conservateur turc a opéré un virage après l'attentat-suicide meurtrier de Suruç (sud), attribué à Daech et la mort d'un de ses soldats tué lors d'une attaque jihadiste à la frontière.
Depuis vendredi, l'armée turque a mené plusieurs raids aériens contre des objectifs de Daech en Syrie. Ankara a aussi donné son feu vert, longtemps attendu, à l'utilisation de la base d'Incirlik (sud) aux avions américains qui bombardent "l'EI" en Syrie et en Irak.Les détails de l'accord évoqué par Washington restent toutefois à définir.
Selon le responsable américain, il impliquerait un soutien turc aux "partenaires au sol" des Etats-Unis, à savoir les troupes de l'opposition syrienne modérée. En revanche, il ne s'agit pas d'instaurer la "zone d'exclusion aérienne" réclamée par Ankara.
Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a confirmé lundi sa détermination à lutter contre Daech. "Nous ne voulons plus voir Daech à la frontière turque", a-t-il répété.
"La présence d'une Turquie susceptible d'utiliser efficacement la force peut permettre de changer l'équilibre en Syrie, en Irak et dans toute la région", a-t-il ajouté.
"Les armes ou la démocratie"
Presque simultanément à son entrée en guerre contre les jihadistes, la Turquie a bombardé les bases arrières des rebelles du parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak. Dimanche soir, les F-16 turcs ont mené de nouvelles frappes.La Turquie les poursuivra jusqu'à ce que le PKK renonce aux armes, a proclamé M. Davutoglu. "Nous allons continuer notre combat (...) jusqu'à ce que nous parvenions à un certain résultat", a-t-il dit à la télévision, "c'est soit les armes, soit la démocratie".Le porte-parole du département d'Etat américain, John Kirby, a répété que la Turquie avait "le droit de se défendre" face au PKK.
Dans la foulée de l'attentat de Suruç qui a visé des militants prokurdes, le PKK avait revendiqué en représailles une série d'attaques meurtrières contre des policiers. Juste après les premiers raids aériens turcs, il a proclamé la fin de la trêve qu'il respectait depuis 2013 et revendiqué la mort de deux soldats.Lundi soir encore, un officier de gendarmerie a été assassiné par des inconnus dans la province de Mus (sud-est), a-t-on appris de sources hospitalières.
Cette escalade menace de faire capoter le fragile processus de paix engagé en 2012 pour mettre un terme à une rébellion qui a fait 40.000 morts depuis 1984.
La double offensive engagée par Ankara contre le PKK et les jihadistes nourrit la suspicion. Certains affirment que la priorité des Turcs est la lutte contre les Kurdes, plutôt que celle contre Daech..
Réticences alliées
S'ils ont applaudi son offensive contre Daech, les alliés de la Turquie ont paru nettement plus réservés sur celle qui vise le PKK.
"L'autodéfense doit être proportionnée", a souligné le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg à la télévision norvégienne NRK, en soulignant les "progrès" permis par le processus de paix engagé entre Ankara et les Kurdes.
L'Otan doit se réunir mardi à Bruxelles pour évoquer la situation sécuritaire en Turquie.
La police turque a poursuivi lundi sa vague d'arrestations contre des militants présumés du PKK, du groupe Daech et de l'extrême gauche. Selon le gouvernement, 1.060 personnes ont été arrêtées depuis vendredi, dont une large majorité de militants kurdes.
Dans une note révélée lundi par la presse, le chef de la police d'Istanbul a placé ses hommes en alerte à cause du "risque accru" d'attentat dans la plus grande ville du pays.