Elias, lycéen âgé de 17 ans qui poursuit ses études secondaires dans un établissement du district d'Ammerland en Basse-Saxe, en Allemagne, ne connaît que trop bien le terme "kanaké". Comme tout le monde ici, il sait que c’est ainsi que l’on désigne les migrants et il sait aussi que ce terme est loin d’être élogieux.
Mais ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il aurait droit au lycée, dans le cadre du passage de son diplôme d’études secondaires, à un manuel scolaire visant à lui apprendre le "kanakish", autrement dit la langue allemande parlée façon migrants. En français, on appellerait ça du "petit nègre". Ainsi, quand le jeune homme a ouvert le livre "Schroedel Abitur" pour la première fois, quel ne fut pas son étonnement en découvrant qu’il devait apprendre la langue "kanakish", un peu comme on choisit une langue vivante en option.
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L'apprentissage de l'humiliationDans un article consacré à ce sujet qui fait désormais polémique en Allemagne, RTL explique que cette "langue" comprend 300 mots environ, dont un tiers du vocabulaire s'emploie à désigner les matières fécales et la sexualité. Un autre tiers est consacré aux marques de voitures, "leurs modèles et variantes" précise RTL qui conclut enfin que le parler "kanakish" n’utiliserait "qu’un vocabulaire d’environ 30 mots dans la vie de tous les jours".
Elias est choqué. Toutefois, comme il l’explique au média allemand: "Au début, je voulais dire quelque chose, mais ensuite j'ai laissé tomber. Je le regrette encore aujourd'hui. Nous avons traité les textes dans la salle de classe sans aucune critique et mon professeur a utilisé le mot comme s'il n'était pas du tout insultant ou raciste", précisant par ailleurs que pendant ces cours, les élèves avaient droit en termes d’apprentissage "seulement à des phrases sexistes ou offensantes utilisées comme exemples".
Et pour cause, le terme "kanaké" utilisé depuis les années 1970 en Allemagne, et qui désigne de manière rabaissante les Arabes, les Turcs et les Albanais, implique que ceux-ci utilisent au quotidien un vocabulaire pauvre.
Le jeune lycéen marocain s’est ainsi indigné sur RTL: "Il s'agit d'une division de la société en Allemands et non-Allemands, avec d'un côté ceux qui parlent une langue puissante et les personnes avec des barrières linguistiques. Elle souligne la supériorité d'un groupe sur l'autre et est raciste."
Mais le comble de l’humiliation pour le jeune homme c’est assurément le jour où celui-ci a été désigné par son professeur pour lire en compagnie d’un élève turc, à haute voix et devant toute la classe, une version "kanaké" du conte Hansel et Gretel.
Blessé et amer, Elias se souvient: "Nos camarades de classe ont accompagné cela avec un rire condescendant. Nous parlons pourtant tous les deux couramment l'allemand, mais nous devions prétendre que nous ne maîtrisions pas la langue allemande afin, une nouvelle fois, de confirmer un faux cliché".
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Un manuel utilisé en cours mais pourtant pas autoriséDu côté de l’établissement scolaire du lycéen, on considère ces manuels scolaires très sérieusement, comme des outils pédagogiques classiques. Et c’est précisément cela qui va pousser le jeune homme à lancer une pétition afin d’empêcher les pages de ce livre d’être à nouveau compulsées à l’avenir en toute normalité.
Une chose est sûre, la pétition d’Elias n’est pas restée lettre morte. Questionné par la chaîne RTL qui a médiatisé cette sordide affaire, le ministère de la Culture de Basse-Saxe a déclaré de son côté que ce matériel didactique n'avait jamais été soumis au processus d'approbation au cours duquel les éditeurs déclaraient se conformer à la loi scolaire et aux programmes de base.
"Le livre n’a pas été soumis pour approbation et ne devrait donc pas être utilisé en classe", a déclaré Sebastian Schumacher, porte-parole du ministère de l'Éducation de Basse-Saxe.
Ce manuel va donc être passé au peigne fin car, précise à nouveau ledit ministère, "il ne devrait pas y avoir de place dans les manuels scolaires pour les clichés, les ressentiments ou même le racisme."