Algérie: Tebboune réhabilite le général Ben Ali Ben Ali dans l’espoir d’affaiblir Said Chengriha

Abdelmadjid Tebboune et les  généraux Said Chengriha et Ben Ali Ben Ali.

Abdelmadjid Tebboune et les généraux Said Chengriha et Ben Ali Ben Ali.

Le 05/07/2023 à 11h42

VidéoMardi 4 juillet, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a procédé à la remise des grades aux promus parmi les officiers généraux et officiers supérieurs de l’armée. Rien que du traditionnel à la veille de chaque anniversaire de l’indépendance du pays. Sauf que la surprise du chef est venue de la présence en bonne place, et pour la première fois, du général Ben Ali Ben Ali, aux côtés du patron de l’armée, le général Said Chengriha. Ce parallélisme apporte une preuve supplémentaire des désaccords entre la présidence et l’état-major.

A la veille du 61ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, célébré ce mercredi 5 juillet, le président algérien s’est retrouvé une nouvelle fois sur le front militaire, un territoire où il s’affiche de plus en plus comme s’il cherchait à prouver quelque chose. Mais il a surtout surpris son monde en invitant le général de corps d’armée Ben Ali Ben Ali non seulement à s’asseoir à ses côtés au même rang protocolaire que le chef d’état-major de l’armée algérienne, mais aussi à lui faire l’honneur de participer à la remise des grades et décoration à plusieurs généraux et officiers supérieurs nouvellement promus… sous les applaudissements à contrecœur du général Said Chengriha.

Certes, Ben Ali Ben Ali est, avec Said Chengriha, l’un des plus hauts gradés de l’armée algérienne, dont il est le doyen. Mais il a l’avantage, sur Said Chengriha, d’être aujourd’hui le seul ancien membre toujours en activité de l’Armée de libération nationale (ALN), dont il a rejoint les maquis en 1954 et qu’il a intégrée en 1956. Mieux, son grand frère Ben Ali Dghine Boudghène, alias Colonel Lotfi, est un héros de la guerre de libération, mort au combat en mars 1960.

C’est cette «aura historique» qui fait la force de Ben Ali Ben Ali mais dérange Said Chengriha, qui a tenté par tous les moyens de l’envoyer à la retraite ou en prison dès son arrivée à la tête de l’état-major en janvier 2020. Mais en vain. Ben Ali a même défié le clan de Said Chengriha en boycottant, depuis 2020, les réunions des commandants des différents corps de l’armée qui se tiennent périodiquement au siège de l’état-major militaire et en accentuant sa mainmise sur le corps de la Garde républicaine.


Et fait important: au moment où le séjour médical d’Abdelmadjid Tebboune s’éternisait en Allemagne après son infection par le Covid-19, Ben Ali Ben Ali a refusé de prendre part à une réunion de l’armée, présidée par Said Chengriha, pour décider du sort à réserver au président malade. Ce dernier n’a pas oublié que le chef de la Garde républicaine a refusé de rallier les généraux conspirationnistes.

Installé en juillet 2015 en tant que commandant de la Garde républicaine par feu le général Gaid Salah, ce natif de Tlemcen a réussi à se maintenir à son poste malgré l’âge (89 ans), la maladie, l’adversité de Said Chengriha et la vengeance implacable du clan des ex-généraux Khaled Nezzar et Mohamed Mediène «Toufik» à l’encontre de tous les anciens hauts gradés proches de Gaid Salah.

Finalement, après plus de trois années et demie de traversée du désert et de rares apparitions officielles, car il était clairement marginalisé et confiné dans des seconds rôles, le général Ben Ali Ben Ali semble aujourd’hui avoir été non seulement réhabilité, mais surtout promu, quand il s’est retrouvé ce mardi 4 juillet assis en première ligne, formant pour la première fois un trio avec Abdelmadjid Tebboune et Said Chengriha. Même les médias algériens officiels, pour lesquels le nom du général Ben Ali Ben Ali était quasiment devenu tabou, ont largement mis en valeur sa présence à la cérémonie de ce 4 juillet, alors que les télévisions locales l’ont placé sous leurs sunlights au même titre que Said Chengriha.

Que peut donc signifier cette posture inédite d’Abdelmadjid Tebboune, assis au milieu de deux généraux qui ne s’apprécient guère? Il sait que Said Chengriha et le clan des protagonistes de la décennie noire (Nezzar, Toufiq et Mhenna) ne sont pas favorables à ce qu’il rempile pour un second mandat. Il a besoin de soutiens dans l’armée pour contrecarrer les plans du chef d’état-major. Abdelaziz Bouteflika avait utilisé le général Gaid Salah en refusant de le mettre à la retraite pour affaiblir et ensuite dissoudre les services de renseignements, dirigés par le général Mohamed Mediène, dit Toufiq. Abdelmadjid Tebboune semble vouloir copier le mode opératoire de son prédécesseur.

La montée en puissance de Ben Ali Ben Ali confirme aussi les fortes dissensions entre Said Chengriha et Abdelmadjid Tebboune. Le président algérien est obsédé par sa réélection en décembre 2024. Toutes les actions qu’ils mènent participent d’une campagne électorale. Il est obnubilé par sa réélection, non pas seulement par amour du pouvoir, mais parce qu’il sait que la prison l’attend, de même que ses trois fils Mohamed, Khaled et Salaheddine Ilyes, une fois qu’il aura quitté le palais d’Al Mouradia.

Partager le podium, devant les caméras, avec le chef de la Garde républicaine est une humiliation pour Said Chengriha. Le tout est de savoir comment il va réagir à cet affront.

Par Mohammed Ould Boah
Le 05/07/2023 à 11h42