Algérie: face à la fermeté de la France, le président Tebboune agite le drapeau blanc

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, le 22 mars 2025.

Samedi, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a fait appel à ses journalistes locaux habituels en vue de passer un message, principalement destiné à la France avec laquelle l’Algérie connaît ces temps-ci la plus grave crise bilatérale depuis l’indépendance du pays en 1962. Tebboune joue aujourd’hui la carte de l’apaisement et tend le calumet de la paix à Emmanuel Macron. Cet aplaventrisme ouvre la voie à la libération prochaine de l’écrivain Boualem Sansal et à l’accueil par Alger de ses délinquants indésirables en France.

Le 23/03/2025 à 17h46

Dans une rencontre avec trois journalistes, ayant en commun d’être des patrons de médias publics algériens, et diffusée par la télévision d’État algérienne samedi soir, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a repris, quasiment avec les mêmes phrases et mêmes chiffres stratosphériques, ses bavardages habituels, dits «périodiques». Une fois encore, et alors que la situation en Algérie est peu reluisante sur tous les plans, Tebboune a tout dépeint en rose, promettant que le très peu qui n’a pas encore été réalisé jusque-là le sera à la fin de cette année ou, au plus tard, au début de 2026.

«Tout va pour le mieux dans le meilleur des pays possibles», ainsi semblent proclamer de concert Tebboune et ses trois panégyristes. On ne verra nulle part dans les plus grandes puissances mondiales pareille autosatisfaction et autocongratulation. L’Algérie, un pays qui vit dans un monde parallèle? Aucun doute après le visionnage de cette interview.

L’objet de cette nouvelle sortie est ailleurs. Par son timing, elle intervient trois jours seulement après le début du procès délirant de l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal. Un procès qui a fait réagir à nouveau le président français Emmanuel Macron, qui a diplomatiquement dit «avoir confiance en Tebboune» pour arrêter cette parodie.

La présence de deux journalistes francophones, qui ont posé toutes leurs questions en français et les réponses de Tebboune dans la langue de Molière en disent long sur le destinataire ciblé, à travers ses propos sur la crise que traversent actuellement les relations bilatérales franco-algériennes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le rapport de force voulu par Paris est en train de porter ses fruits.

En effet, Tebboune a clairement dit qu’il ne reconnait qu’un seul interlocuteur dans la gestion de ce dossier: le président français, Emmanuel Macron. En désignant ce dernier comme son «alter ego», Tebboune espère poser une porte coupe-feu avec plusieurs ministres français influents de l’exécutif et avec l’opinion publique française qui approuve majoritairement un rapport de force avec le régime d’Alger.

«Emmanuel Macron est mon alter ego (sic !), on a eu des moments de sirocco, des moments de froid, mais c’est avec lui que je travaille», a ainsi déclaré Tebboune, en signe de fléchissement clair face à la fermeté de la France:

«Nous, on garde comme unique point de repère le président Macron… Il y a eu un moment d’incompréhension, mais il reste le président français et tous les problèmes doivent se régler avec lui ou avec la personne qu’il délègue», a renchéri Tebboune.

Pour Tebboune, la gestion de la crise est «désormais entre de bonnes mains».

Tebboune a aussi livré un concentré magistral du déni qui est l’un des marqueurs de la politique algérienne. Alors qu’il a déclenché cette crise en «retirant» son ambassadeur à Paris, l’été dernier, suite à la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara, puis en emprisonnant l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal en novembre dernier pour avoir rappelé une vérité historique sur les frontières maroco-algériennes, Tebboune endosse la responsabilité de la crise entre Paris et Alger, «créée de toutes pièces», selon lui, à «l’extrême droite française revancharde et haineuse», comme ne cesse de le ressasser la propagande locale.

Et le casus belli: le Sahara occidental? Tebboune a changé son fusil d’épaule. Il affirme sans sourciller que la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental dérange l’ONU et pas l’Algérie! Stupéfiant!

À quoi s’attendre après cette sortie de Tebboune?

Primo, le dossier Boualem Sansal, sur lequel le président Macron est revenu jeudi dernier à Bruxelles, en affirmant que les accusations à son encontre ne sont pas «sérieuses», pourrait connaitre un dénouement rapide. L’écrivain sera gracié par Tebboune probablement avant l’été.

Secundo, les délinquants algériens dangereux sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pourraient finalement être récupérés, individuellement ou collectivement, par leur pays d’origine.

Enfin, tertio, l’ambassadeur d’Algérie à Paris va regagner son poste, car Tebboune, sous la pression de l’armée veut tourner la page de la crise avant qu’elle ne devienne irréversible. Il accepte la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara qu’il banalise en affirmant qu’elle ne date pas d’aujourd’hui et le seul élément gênant est son côté «ostentatoire». Car, a-t-il dit, «la France n’a jamais caché son amitié avec le Maroc, et cela ne nous dérange pas, contrairement à ce qui se dit. Ce sont deux relations verticales. La France et le Maroc s’entendaient très bien, même avant notre indépendance. Grand bien leur fasse. Et cela ne dérange pas l’Algérie. Nous savons que la France a toujours été du côté du Maroc dans le dossier du Sahara occidental». Quelle mouche a piqué Tebboune pour qu’il fasse pareille volte-face à 180 degrés?

Par Mohammed Ould Boah
Le 23/03/2025 à 17h46

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