Les résultats de la présidentielle algérienne du 7 septembre, tels que diffusés dimanche par l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), sont totalement faux, car truqués. Cela, on le savait. Mais ce à quoi personne ne s’attendait, c’est que ce soit de l’avis des trois candidats, vainqueur et vaincus. Tout d’abord, deux communiqués successifs et séparés des deux candidats «malheureux» ont immédiatement dénoncé et démontré, mathématiquement, comment les résultats étaient pour le moins tirés par les cheveux.
Sur sa page Facebook, le candidat dit de gauche, Youcef Aouchiche, a réagi dès l’annonce des résultats provisoires le classant bon dernier et le créditant de seulement 2,16% de voix exprimées. Il a dénoncé, par la voix de sa direction de campagne, «l’étrange écart entre les chiffres provisoires annoncés par l’Autorité nationale indépendante des élections», qui lui attribuaient 122.146 voix, «et les procès-verbaux de 35 wilayas et de la communauté nationale résidant à l’étranger en sa possession, qui lui donnent déjà 214.000 voix exprimées, en attendant de connaître les résultats des autres wilayas».
Pour sa part, le candidat islamiste, Abdelali Hassani, a pointé du doigt de nombreux cas de «votes par procuration en groupe» ou de votes multiples, ainsi que des «pressions exercées sur certains responsables de bureaux de vote en vue de gonfler et tripatouiller les résultats, notamment le taux de participation». Il a également qualifié d’«étrange» le taux de participation de 48,03% annoncé samedi soir par l’ANIE.
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Il faut montrer un peu d’empathie envers les deux candidats malheureux. Certes, ils ont consenti au rôle de lièvres dans cette mascarade électorale, mais ils ne s’attendaient pas à ce que le régime les humilie en les créditant d’un nombre de voix insignifiant, soit 122.146 voix pour Youcef Aouchiche et 178.797 voix pour Abdelali Hassani. Quand on sait le nombre exact de votants en Algérie est de 24.351.551 âmes, et que l’autorité électorale a annoncé un taux de participation de 48,3%, même un lièvre serait effectivement fondé de se révolter. Mais le meilleur est à venir.
De sérieuses défaillances en calcul
Car le premier de la cordée, Abdelmadjid Tebboune, a été élu selon l’ANIE par 94,65% de voix. Oui, un score record, stalinien, qui refléterait l’extrême popularité du président sortant. Mais, l’ANIE ajoute que, tout en remportant 94,65% de voix, il aurait obtenu 5.329.253 voix. Et c’est là que l’on peut pointer du doigt les sérieuses défaillances des chibanis du régime en calcul simple. Récapitulons: l’ANIE annonce un corps électoral de 24.351.551 votants, et précise que pratiquement la moitié (précisément 48,3%) a fait son devoir et glissé un bulletin dans les urnes. Sauf que: 48%3 du corps électoral équivaut à 11 761 799 votants. Et si l’on additionne les voix obtenues par les trois candidats, on se retrouve avec 5.329.253 voix pour Tebboune, 178.797 voix pour Hassani et 122.146 voix pour Aouchiche, soit un total de 5.630.196 voix. Où sont donc passées plus de 6,1 millions de voix?
Pris la main le sac pour fraude et tripatouillage des résultats, et face à un scandale instantané qui a fait rire le monde entier, Abdelmadjid Tebboune a eu de nouveau recours à ses deux lièvres pour unir leurs voix et dénoncer dans un communiqué commun «les contradictions et les incohérences» des chiffres présentés par l’autorité chargée des élections.
Ainsi, dans ce communiqué tripartite, «les directions de campagne informent l’opinion publique nationale des imprécisions, des contradictions, des ambiguïtés et des incohérences qui ont été relevées dans les chiffres lors de l’annonce des résultats provisoires par le président de l’Autorité électorale nationale indépendante».
Le communiqué conjoint dénonce également «l’ambiguïté du communiqué d’annonce des résultats provisoires de l’élection présidentielle, qui ne comportait pas la plupart des données essentielles des communiqués d’annonce des résultats, comme il est d’usage dans toutes les échéances nationales importantes». En effet, en plus d’avoir omis de donner le nombre de bulletins nuls et celui des votes blancs, l’ANIE, qui ignore apparemment l’abécédaire des statistiques et mathématiques, a annoncé samedi soir que le taux de participation a atteint 48,03%, alors que les résultats officiels qu’elle a diffusés le lendemain montrent clairement que le taux réel est de 23,12%, en régression de plus de 16 points par rapport à celui de 2019.
Pire, le chiffre de 94,65% des voix attribué à Tebboune ne reflète pas un quelconque plébiscite, comme on voulait le laisser croire, puisque si l’on rapporte le nombre de voix qu’il a obtenues (5.329.253) au nombre d’inscrits sur les listes électorales (24.351.551), on se rend compte que seuls 21,8% du corps électoral à en sa faveur.
Prise au dépourvu par ces tirs groupés, l’ANIE a réagi ce lundi dans un bref communiqué, où elle bafouille en annonçant qu’elle va recevoir les «originaux des procès-verbaux de dépouillement, qu’elle transmettra à la Cour constitutionnelle» et qu’elle «tiendra au courant l’opinion publique des résultats de contenus dans ces procès-verbaux conformément au principe de la transparence et pour sauvegarder la crédibilité de l’opération électorale qui s’est déroulée dans les meilleures conditions». Chiche! Il faut dire que depuis les premières heures du vote du samedi 7 septembre, le régime algérien a été pris d’une panique qui n’a d’égale que l’ampleur de son rejet massif par l’électorat algérien, dont plus 80% ont boycotté la présidentielle anticipée. Bien évidemment, l’enjeu de cette présidentielle était la légitimation d’Abdelmadjid Tebboune à travers un taux de participation record ou, du moins, acceptable, c’est-à-dire supérieur à celui de 2019.
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Finalement, Tebboune a été pris à son propre piège, celui d’avoir passé les cinq années de son premier mandat à jongler avec les faux chiffres, qu’il s’agisse de ceux relatifs aux exportations hors hydrocarbures (agricoles surtout), au nombre des «chouhadas» algériens ou à la capacité des stations de dessalement d’eau de mer de son pays… Pourtant, la junte qui l’utilise comme une marionnette n’a pas lésiné sur les moyens pour le légitimer à travers un vote massif.
Bus, métro, tramway ont été mis gratuitement à la disposition des éventuels électeurs durant toute la journée du vote, qui a été d’ailleurs prolongée. Des médias inféodés au pouvoir sont même allés jusqu’à traiter ceux qui ne voteront pas de traîtres et de comploteurs, alors que d’autres ont présenté le vote comme une obligation, et non plus comme un droit. De même, pendant trois semaines, les trois candidats ont axé toute leur campagne électorale sur un taux de participation élevé, présenté comme un gage de légitimité et de futurs changements profonds en Algérie.
Mais la réponse à cette propagande a été donnée, jeudi dernier, lors du match Algérie-Guinée équatoriale, comptant pour les éliminatoires de la CAN 2025 au Maroc, quand des supporters algériens ont scandé dans les gradins des slogans annonçant qu’ils préfèrent «prendre une patera plutôt que d’aller voter à la présidentielle». Et c’est finalement cet appel qui a été massivement suivi, ramenant à zéro le résultat de la propagande du pouvoir et annonçant un imminent réveil du Hirak, à la suite du désastre électoral et de l’impéritie des gérontes qui dirigent l’Algérie.