Le 28 janvier à 13H, un séisme diplomatique a secoué la région de l’Afrique de l’Ouest. Les trois épicentres furent Ouagadougou, Bamako et Niamey. En effet, trois pays clés de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), à savoir le Burkina Faso, le Mali et le Niger, ont annoncé officiellement leur retrait immédiat et sans délai de cette organisation, accusée de n’avoir rien fait pour aider ces pays à lutter contre le terrorisme qui sévit sur leurs territoires, de représenter une menace pour ses États membres et ses populations, et surtout d’être une organisation sous la tutelle et l’influence d’une puissance étrangère, la France en l’occurence, pour ne pas la nommer.
Une dynamique d’effritement de cette organisation qui existe depuis 49 ans, mais qui pourrait être le préambule à une nouvelle dynamique d’intégration plus souveraine et par conséquent plus efficace et durable.
En effet, une alternative est déjà en train de naître sous le nom de l’AES, l’Alliance des États du Sahel. Créée en septembre 2023, elle demeure pour l’instant embryonnaire, mais a cependant tout pour réussir, malgré les nombreux obstacles qu’elle se devra de dépasser, non sans difficultés.
Cette nouvelle alliance se veut éminemment militaire puisque créée dans un contexte d’hostilité et d’ostracisation régionales suite aux trois coups d’État qu’on connus le Mali, le Burkina Faso et le Niger entre 2020 et 2023. Ces trois pays, déjà pauvres économiquement bien que riches géologiquement, ont en effet été l’objet de sanctions économiques contre-productives de la part de la CEDEAO qui, loin d’ébranler les nouveaux pouvoirs en place dans ces trois pays, n’a fait qu’aggraver la situation économique déjà fragile des populations.
Cependant, cette alliance nourrit des ambitions qui vont au-delà d’un simple traité d’assistance militaire mutuelle. Elle ambitionne à terme de créer une nouvelle monnaie qui sera baptisée «Sahel», un espace économique commun et pourquoi pas, si affinités, une confédération sahélienne regroupant les trois pays, voire quatre si le Bénin venait à les rejoindre.
Les propos d’Ibrahim Traoré, dirigeant actuel du Burkina Faso et chef du Mouvement Patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration, versent dans ce sens, puisqu’à la question d’un éventuel retrait du franc CFA, il répond comme suit:
«Des choses vont peut-être vous surprendre encore. Et il n’y a pas que la monnaie. Tout ce qui est lien qui nous maintient dans l’esclavage, nous allons briser ce lien!»
Car que reste-t-il, si l’on se réfère aux trois fonctions régaliennes de l’État, après l’armée et la monnaie, si ce n’est l’organisation politique et la souveraineté territoriale? Les liens d’asservissement dont parle Traoré pourraient très probablement porter sur les frontières héritées de la colonisation française et qui continuent, de par leur dimension par certains aspects arbitraire, à diviser et à écarteler des peuples et des ethnies sur différents territoires politiques qui ne correspondent en rien à leur imaginaire et à leur histoire.
Ainsi, une large confédération sahélienne, qui, tout en respectant une relative souveraineté de chacun de ces États, arriverait à consolider l’essentiel des fonctions régaliennes, serait à même de fonder un bloc géopolitique effectif et souverain dans la région. La consolidation d’un tel espace géopolitique pourrait indéniablement constituer un facteur de stabilité politique dans une région longtemps balkanisée par divers groupuscules criminels qui, de par leurs méfaits, justifiaient la présence d’une ingérence étrangère, celle de la France en premier lieu, mais aussi de l’Algérie, comme en témoignent les tensions diplomatiques actuelles entre Bamako et Alger.
Enfin, et c’est là où réside l’essentiel, une souverainisation de leur potentiel économique pourrait ouvrir la voie à un développement économique à travers une meilleure valorisation de leurs richesses et de leur potentiel économique (minier, énergétique…) et humain.
Ainsi, il ne s’agit peut-être pas, et ce, malgré les apparences, d’une balkanisation de l’Afrique de l’Ouest, mais plutôt d’une reconfiguration plus pertinente, plus cohérente et surtout plus souveraine de cet immense espace historique et civilisationnel, artificiellement charcuté par les puissances européennes d’antan.