Canberra martèle qu'il traitera le cas de Rahaf Mohammed al-Qunun, 18 ans, "comme il le fait habituellement pour les dossiers transmis par le Haut commissariat aux réfugiés de l'ONU". Mais quelques jours à peine après l'arrivée à Bangkok de la jeune femme qui dit vouloir fuir les abus psychologiques et physiques de sa famille, l'ONU a estimé qu'elle était bien une réfugiée et elle est en contact avec des responsables australiens en Thaïlande.
Un sort bien différent de celui de réfugiés qui dépérissent pendant des années dans des camps comme ceux de Dadaab, au Kenya ou Zaatari, en Jordanie. "Habituellement, c'est très très lent", déclare à l'AFP Mary Anne Kenny, conseillère juridique et spécialiste des migrations australiennes à l'Université Murdoch de Perth.
En se servant astucieusement de Twitter depuis une chambre d'hôtel de l'aéroport de Bangkok, la jeune femme a su émouvoir partout au monde. Deux jours et 80.000 followers plus tard, elle a pu quitter l'aéroport et a été placée sous la protection du HCR. En raison de l'intérêt des médias pour son cas, les autorités thaïlandaises, d'ordinaire peu accommodantes envers les demandeurs d'asile, ont agi avec célérité. Ce qui a aussi pu, selon les experts, augmenter les risques pour sa sécurité, renforçant ses arguments pour obtenir l'asile.
Si Mme Qunun avait réussi à gagner l'Australie, elle aurait été perdue parmi des milliers d'aspirants au statut de réfugié qui débarquent dans ses ports et aéroports et sont confrontés à une longue attente, même si c'est dans une relative sécurité.
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Sarah Dale, avocate de l'association Refugee Advice and Casework Service, venue en aide en 2018 à 3.300 réfugiés, a expliqué à l'AFP que bon nombre de ses clients avaient attendus des mois, voire des années, pour que la roue tourne.
Comme la jeune femme s'est retrouvée en Thaïlande, non signataire de la convention de l'ONU sur les réfugiés, le HCR et d'autres pays sont intervenus. Elle possédait un visa touristique australien, a dit haut et fort qu'elle voulait vivre en Australie, si bien que les pressions sur Canberra pour agir sont fortes.
L'Australie figure parmi un petit nombre de pays qui acceptent d'accueillir des réfugiés qui sont déjà à l'étranger, ce qui arrive rarement. Sur les 20 millions de personnes gérées par l'ONU en 2017, moins d'un pour cent ont trouvé un pays d'accueil cette année-là. Pour Mme Kenny, ceux qui disent que Mme Qunun "a doublé la file d'attente" se trompent car il n'y en a pour ainsi dire pas. En fait, si elle obtient l'asile, elle "aura gagné au loto".
Tamara Wood, professeure spécialistes des migrations forcées à l'Université de Nouvelle-Galles du Sud, relève cependant que la vitesse de traitement de son dossier "n'est pas sans précédent". Il existe des provisions pour les cas urgents, souligne-t-elle. En 2014-2015, il fallait environ 63 semaines en moyenne pour instruire les demandes d'asile mais dans quelques rares cas, le traitement fut quasi immédiat. "Je passe beaucoup de temps à critiquer la procédure relative aux réfugiés mais dans ce cas, on dirait que l'urgence a fonctionné".
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Tout n'est cependant pas plié, le processus pourrait ralentir avec les vérifications médicales, les enquêtes de sécurité et de vérification des antécédents. Les feux verts ne sont pas automatiques. Les autorités doivent d'abord déterminer si sa vie, sa liberté, sa sécurité et autres droits humains sont menacés en Thaïlande.
La disposition initiale des autorités thaïlandaises à la renvoyer au Koweït ou en Arabie saoudite pourrait lui apporter du grain à moudre sur cet aspect. En tant que Saoudienne, qui a dénigré publiquement sa famille et renoncé à l'islam, elle coche pas mal de cases, estiment les spécialistes.
Elle pourrait obtenir un visa de réfugié standard, un visa au titre du secours d'urgence ou peut-être le statut de "femme menacée". Si elle est acceptée, il s'agirait d'un premier pas vers la citoyenneté australienne mais le gouvernement pourra quand même apporter son veto.
Aux yeux de Phil Robertson, de Human Rights Watch, une telle issue serait hautement improbable. "Un refus de la prendre constituerait un renversement incroyable de situation. Ils ont pris beaucoup de risques politiques".
Mais "si pour telle ou telle raison, cela ne marche pas avec l'Australie, le HCR pourrait reprendre son dossier et le transmettre à un autre pays", relève-t-il.