Les deux journalistes français expulsés, dimanche 15 février, du Maroc parce qu’ils y opéraient en hors-la-loi s’agitent beaucoup dans les médias. Ils s’érigent en victimes du manque des libertés publiques au royaume, en «dégât collatéral» de la réconciliation entre le Maroc et la France. Hier, Jean-Louis Perez, l’un des deux reporters qui réalisaient un documentaire sur «l’économie marocaine» pour le compte de la chaine de télévision France3, est intervenu dans l’émission «28 minutes», diffusée sur ARTE. Son témoignage est édifiant pour comprendre l’idée que certains journalistes français se font de la pratique de leur métier au Maroc.
Je suis hors-la-loi mais au-dessus de la loi
A la question «Avez-vous reçu une autorisation de tournage?», Perez répond: «Non, je ne l’ai jamais eue. Je l’ai demandée, mais c’est une technique: on n’accorde pas d’autorisation, comme ça les journalistes sont hors-la-loi et s’ils sont hors-la-loi, on les expulse». Perez admet donc qu’il s’est fait sciemment hors-la-loi et reconnaît même connaître la sanction (l’expulsion du territoire) s’il est pris la main dans le sac? Pourquoi va-t-il alors pleurnicher sur les plateaux télé? Cela laisse indiquer que ces journalistes considèrent que les lois marocaines sont faites pour les autres, pas pour eux. Eux, ils ont les passe-droits que l’on s’accorde avec une forme de condescendance à l’égard des anciennes colonies ou de pays pour lesquels on n’a pas de considération. En journalistes avertis, Perez et son collègue Pierre Chautard devaient assumer et accepter les risques que court toute personne qui enfreint la loi. Ils devraient dire: nous avons pris le risque d’essayer et nous avons perdu. Mais apparemment, le budget anormalement colossal (60.000 euros) mobilisé pour la production de ce documentaire leur reste en travers de la gorge.
Les personnalités «blacklistées»
Les confessions du journaliste Perez sur ARTE nous enseignent aussi sur les raisons de la colère des autorités marocaines. «Ce qui gêne, c’est que nous avons rencontré des personnalités au Maroc qui sont blacklistées par le régime, des personnalités dont on ne veut pas entendre la voix», explique Perez. Et d’ajouter : «Je pense qu’il y en a une qui les a vraiment fâchés, parce que c’est quelqu’un qu’ils détestent». Mais qui diable sont ces personnalités marocaines qui seraient «non grata» aux yeux du régime ?Le360 a obtenu auprès d’une source proche du dossier la liste exhaustive des personnes interviewées par les deux journalistes. Y figurent les noms de Karim Tazi, Fouad Abdelmoumni, Najib Akesbi, Ali Amar, Reda Ben Othman (un ex-détenu salafiste-djihadiste, arrêté dans le cadre de la loi antiterroriste) et Abderrahim Mernissi (ancien militaire radié, recommandé aux deux journalistes par Mustapha Adib). Il est très curieux dans ce sens de noter que pour un documentaire portant sur l’économie marocaine, les deux journalistes ont fait le choix de ne contacter aucun patron, aucun membre de la CGEM, aucune source dans le ministère de l’Economie. Les deux journalistes avaient visiblement un schéma préétabli dans leur tête et un parti férocement hostile au Maroc et ils n’ont contacté que les personnes susceptibles de les conforter dans leurs préjugés. Perez et Chaupard, les champions des jérémiades, n’ont même pas fait l’effort du minimum syndical pour équilibrer leur sujet, ne serait-ce que du bout de la langue.
Pis encore, quand ils ont compris que la bravade des lois marocaines risquait de se retourner contre eux, Perez et Chaupard se sont dirigés au siège de l’AMDH pour planquer leur matériel. Comme si l’AMDH était une espèce de no man’s land où les lois marocaines n’étaient pas en vigueur, l’équivalent d’un Vatican au cœur du royaume.
Cet épisode aurait pu ressembler à la mésaventure de deux journalistes qui ont joué et perdu n’était la propension de Perez et de Chautard à s’ériger en victime de la brutalité des autorités marocaines. Ils gagneraient à cesser de se plaindre et à accepter que les lois sont faites pour être aussi respectées dans les anciennes colonies.