«Il faut que tout change pour que rien ne change». La célèbre réplique du Guépard, de Visconti, résume-t-elle la relation marocco-française (…)? Sans doute. Mais pas tout à fait. En deux décennies de règne de Mohammed VI, la relation entre Rabat et Paris a incontestablement évolué», souligne le magazine panafricain Jeune Afrique dans un éditorial signé de François Soudan, sous le titre «Maroc-France: dernières nouvelles de l’Oued Seine».
Cette relation a évolué, «d’abord parce que plus personne en France ne pense que la monarchie marocaine est en sursis, ensuite parce que le rapport de dépendance entre les deux pays s’est équilibré, voire inversé», affirme l’éditorialiste, qui souligne que «si la France demeure, pour le Maroc, un partenaire économique indispensable et une destination privilégiée pour ses élites, le royaume n’en est plus la chasse gardée et, surtout, il a su se rendre lui aussi indispensable à la république».
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«De Pompidou à Macron, la classe politique et les dirigeants français, de droite comme de gauche, ont toujours globalement soutenu le régime marocain. (…). Sous Hassan II, c’était un choix par défaut (…) car en dehors de ce monarque complexe et autoritaire, qui ne suscitait pas d’empathie, il n’y avait personne si ce n’est l’anarchie, le chaos, une dictature militaire ou un raz-de-marée islamiste», observe le magazine, qui souligne que «l’appui constant apporté à «notre ami le roi» se justifiait donc à la fois par les intérêts économiques et par la peur du vide».
Aujourd’hui ce n’est plus le cas, affirme «Jeune Afrique». «Marché toujours aussi convoité par les entreprises françaises pour sa stabilité, sa main-d’œuvre et son environnement des affaires, mais désormais très disputé entre investisseurs européens et asiatiques, le Maroc de M6 est depuis une quinzaine d’années absolument incontournable dans le domaine de la lutte antiterroriste, particulièrement en ce qui concerne le renseignement et la prévention, ainsi qu’un échelon extérieur clé de la politique migratoire européenne», soutient l’éditorialiste.
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Et d'expliquer qu’il «n’est donc pas absurde de conclure que le Maroc de 2020, qui a su diversifier ses partenaires, a moins «besoin» de la France que la France du Maroc. Même si le soft power de l’ancien colonisateur reste réel, l’attrait qu’il exerce sur une partie de l’élite marocaine désormais mondialisée a lui aussi évolué, à l’image de celui d’un roi dont le style de gouvernance et la posture d’arbitre sont beaucoup plus proches de ceux de son grand-père Mohammed V que de son père, Hassan II».
«Autant ce dernier se passionnait pour les arcanes de la politique intérieure française, au point de s’en mêler et de mettre en scène avec maestria des conférences de presse à grand spectacle devant les journalistes de l’Hexagone convoqués pour l’occasion, autant son fils entretient, loin des médias, une relation décomplexée avec la France. Les selfies sur les Champs-Élysées, le lifestyle, les amis du showbiz et l’attention permanente portée à la communauté des Marocains expatriés en France ont donné de M6 l’image d’un roi de proximité, francophile certes, mais pas francolâtre», observe le magazine.
En outre, ajoute «Jeune Afrique», «et n’en déplaise à certains commentateurs qui ont cru voir à tort dans le Hirak du Rif, en 2017, une contestation de la monarchie, les Marocains dans leur grande majorité ne veulent pas moins de roi, mais plus de roi. Les attentes envers lui sont immenses, et c’est pourquoi la perspective d’un souverain à la fois calife et chérif délesté de son titre charismatique –et si peu compris en France– de commandeur des croyants est tout simplement impensable».
«Tout change donc, mais rien ne change. Car ce qui n’a pas évolué dans la relation Rabat-Paris reste irréfragable. Ce noyau dur repose sur deux axiomes: les Marocains ont le patriotisme à vif, et l’humiliation leur est insupportable, surtout lorsqu’elle vient de l’ancienne puissance occupante», conclut François Soudan.










