Le procès en appel de Taoufik Bouachrine, le patron d’Akhbar Al Yaoum, condamné en première instance à 12 ans de prison ferme pour des viols sur 8 victimes (documentés dans des vidéos qui en fournissent la preuve irréfutable), est décidément riche en rebondissements. Et ceux-ci sont signés des mains de la propre famille du concerné.
Alors que la procédure judiciaire en appel suit son cours normal, la dernière audience s’étant tenue le mardi 21 mai dernier, et le parquet ayant achevé son réquisitoire, la famille et les proches de Bouachrine multiplient les coups d’éclats pour tenter de donner une dimension aussi politique qu’internationale à un procès qui ne relève, par définition, que du droit pénal.
Le vendredi 17 mai dernier, c'est par un communiqué édité par une agence de communication française, A2R Global Comms, jusqu'ici inconnue au bataillon, que l'avocat britannique Rodney Dixon, conseil de Bouachrine, a saisi la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les exécutions extrajudiciaires pour qu’elle prenne «connaissance des échanges entre le journaliste et son homologue saoudien, Jamal Khashoggi», assassiné en octobre 2018.
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Rodney Dixon marquait ainsi son retour dans un procès au cours duquel il avait été remercié par la même famille Bouachrine, celle-ci n’ayant pu honorer davantage ses exorbitants honoraires, une seule de ses sorties (généralement sous forme de communiqués) coûtant entre 20.000 et 30.000 euros. Pour, finalement, zéro retentissement.
Mieux encore, la famille en question vient de s’adjuger en direct les services de l’agence de communication et de RP en question, en le nom d'Albane de Rochebrune, une de ses consultantes.
L’objectif est bien clair: il s'agit d'"internationaliser" l’affaire et de tenter d'influer sur le procès en cours. Le parallèle, aussi gros que ridicule, osé par cette même agence entre l’affaire Bouachrine et celle du journaliste saoudien assassiné à Istanbul en dit d’ailleurs long sur la capacité tant de l’avocat, que son agence de RP, à pervertir les faits pour séduire leurs audiences.
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Il reste à savoir à quel prix les Bouachrine se sont-il adjugés ces services. En effet, une agence de RP française et une «experte» dépêchée pour renverser la vapeur de l’opinion, cela coûte cher. Très cher. Ceci, à un moment où la poule aux œufs d’or d’antan qu’est Akhbar Al Yaoum traverse une grave crise financière, et que les soutiens d’hier de Bouachrine, étant donné la gravité des faits qui lui sont reprochés, mais aussi qu'à l'évidence, sa bonne étoile a périclité, se font aujourd’hui rares.
Reste aussi à savoir si Albane de Rochebrune et son agence de communication réussiront dans leur mission. Si quelques titres (Le Monde, Le Figaro, Daily Mail) ont brièvement évoqué l’affaire, citant principalement l’agence AFP, celle-ci ne suscite pas d’intérêt particulier et encore moins l’adhésion voulue. Au Maroc, peu de médias continuent de faire le suivi, a minima, d’une affaire déjà jugée, à présent en appel. A l’international, et pour peu que l’on s’y intéresse, l'affaire Bouachrine est, somme toute, peu défendable et d’aucuns, bon an mal an, sont tenus de se limiter à des faits prouvés et avérés.
Le doute quant à l’efficacité de la manœuvre et sa «durabilité» est donc largement permis.