Parmi les contenus populaires sur TikTok, des comptes dédiés à séparer le bon grain de l’ivraie entre ce qui est halal et haram. Pour faire passer leurs messages religieux, ce nouveau type d’influenceurs, incarnés aussi bien par des femmes que par des hommes, adoptent les codes des réseaux sociaux –qui pour la peine ne sont pas haram du tout– en les associant aux codes de la muslim fashion. Qamiss pour ces messieurs, khimar pour madame.
Sous les hashtags #islam, #métiers ou #haram, on nous indique ainsi quels sont les sept métiers haram en islam. Acteur, avocat, juge, mannequin, banquier, artiste, barbier… des professions diaboliques. On a aussi droit aux «trois choses haram même pendant le mariage», mais on passera sur les détails scabreux apportés par ces pseudos prêcheurs reconvertis en sexologues.
Parmi ces nouvelles stars, le dénommé Dr Frère Muz alias La Meute, qui se démarque quant à lui en nous expliquant ce qu’on pense être haram, mais qui en en fait ne l’est pas. Et ô joie, on découvre ainsi qu’on peut s’épiler entre les deux sourcils et qu’on n’a plus besoin de vivre en couple avec notre monosourcil… Dieu soit loué. Façon youtubeur avec le micro qui va avec et la pilosité qui lui confère la crédibilité du mec qui sait de quoi il parle, Frère Muz nous livre ses précieux conseils pour dit-il «éviter que tu glisses dans le vice d’Iblis à l’Hotel Ibis»... Oui, oui, il fallait la trouver celle-là.
Dans un autre registre encore, un autre influenceur et prêcheur du vendredi –qui pourrait tout à fait sortir de l’île de la tentation si ce n’était son qamiss blanc qui nous rappelait à l’ordre– nous apprend quant à lui qu’il y a des métiers qu’on exerce en pensant qu’ils sont halal, mais qui en fait ne le sont pas. Avec un air très sérieux qui vous fait comprendre qu’il n’est pas là pour rigoler vu que ça aussi ça doit être haram, il explique ainsi que c’est le cas du métier de policier, gendarme ou même militaire, car «c’est une manière d’accepter le gouvernement qui va donc juger par d’autres lois que celles d’Allah». Notre super muslim, tendance anarchiste donc, prévient aussi ceux et celles qui voudraient s’aventurer à bosser en tant que caissiers pour les enseignes françaises suivantes: «Aldi, Leadl, Super U ou encore Auchan». On y vend des choses illicites qui font que, CQFD, ton salaire devient illicite. On comprend mieux pourquoi certains préfèrent toucher des aides sociales plutôt que de bosser.
Un dernier pour la route, cet autre influenceur suivi par plus d’un million de followers. La vingtaine, un look mi-hipster mi-muslim, barbe hirsute, les cheveux longs retenus par un serre-tête, un logo Nike bien apparent sur son sweat à capuche, qui se filme dans un quartier chic de Paris, devant un manège, avec en fond sonore incrusté du coran psalmodié, pour nous expliquer ce qui n’est pas haram contrairement à ce qu’on croit, comme le droit par exemple d’écraser un moustique qui nous a piqués.
On peut y passer des heures et on arrive encore à être surpris par ce qu’on découvre dans cet univers manichéen où la religion est cantonnée à des choses que tu as le droit de faire, et des choses que tu n’as pas le droit de faire. Amis de la spiritualité, passez votre chemin. Mais au-delà du ridicule de ces contenus et de ceux qui nous les servent, outre le fait qu’ils utilisent un outil qui sert à la promotion de tout ce qui est prohibé dans l’islam, il y a de quoi s’inquiéter pour cette jeune génération qui absorbe sans analyser et prend toutes ces consignes pour argent comptant. Le nombre de vues, de likes, de partages, de commentaires, que cumulent ces vidéos est affolant, et témoigne de l’ampleur d’un phénomène qui surfe sur la fâcheuse tendance d’une Gen Z prompte à se cultiver via les réseaux sociaux sans forcément pousser plus loin, si ce n’est en demandant à Chat GPT ce qu’il en pense.
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