Le Maroc dispose d’un marché du transport maritime estimé à près de 5 milliards de dollars par an. Pourtant, les opérateurs nationaux n’en captent que 20%. Une situation que déplore El Mostafa Fakhir, expert maritime, qui appelle, dans un entretien avec le quotidien Les Inspirations Éco (édition du 6 août), à une mise en œuvre rapide et concrète des orientations royales. Pour lui, «il est impératif, pour assurer la souveraineté logistique du Royaume, de se doter à nouveau d’une flotte stratégique ».
Depuis le discours de novembre 2023 du Roi Mohammed VI, qui appelait à la création d’une flotte marchande nationale compétitive, les opérateurs attendent toujours les résultats de l’étude commandée par le ministère du Transport et de la Logistique. «Malheureusement, on attend toujours les résultats… Nous restons néanmoins confiants: les hautes orientations royales seront traduites en politiques publiques dans les plus brefs délais», souligne El Mostafa Fakhir.
La récente adjudication de la gestion du fonds thématique dédié au transport et à la logistique à APM Capital Morocco, proche du géant danois Maersk, a semé le trouble dans le secteur. «Pour beaucoup d’acteurs, cette décision constitue une surprise de mauvais goût. La crainte d’un conflit d’intérêts est réelle, notamment entre les intérêts de Maersk, qui profite de l’absence d’un pavillon national marocain, et la mission même de ce fonds, qui devrait soutenir une flotte marchande marocaine concurrente», dénonce Fakhir.
«Si le secteur marocain du transport et de la logistique a démontré sa résilience face aux chocs successifs, pandémie de Covid, guerre en Ukraine, tensions au Moyen-Orient, il reste encore en deçà de son potentiel», note Les Inspirations Éco. «La supply chain est devenue le nerf de la guerre. Elle doit désormais être gérée de façon stratégique. Nous saluons les initiatives d’acteurs marocains comme BLS, qui ambitionnent de créer un champion national de la logistique», affirme l’expert.
Avec Tanger Med, Nador West Med et le futur port de Dakhla Atlantique, le Maroc s’impose comme premier hub de transbordement portuaire en Méditerranée et en Afrique. Mais cette position stratégique reste incomplète. «Nous ne captons que 10 à 20% de la valeur ajoutée du secteur. Le reste, à savoir le fret maritime, est dominé par les armateurs étrangers. Notre commerce extérieur est couvert à peine à 2% par des opérateurs marocains. C’est insuffisant», alerte Fakhir.
Pour El Mostafa Fakhir, la relance du pavillon national n’est pas un luxe mais une nécessité stratégique. «Si nous captons ne serait-ce que 25% du marché domestique, nous pourrions créer des milliers d’emplois à forte valeur ajoutée et générer d’importantes recettes fiscales», projette-t-il. Et d’ajouter: «Le transport maritime peut aussi avoir un effet d’entraînement sur l’industrie navale nationale, encore largement sous-exploitée».








