Derrière les discours triomphalistes du gouvernement sur la performance touristique, un constat s’impose. Le secteur reste prisonnier de vieux réflexes et de marchés traditionnels, faute d’une vision réellement audacieuse de diversification, avertit le magazine Challenge.
En 2024, le Maroc a franchi la barre des 17,4 millions de touristes, soit une progression de 20 % par rapport à l’année précédente. Un record que le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, n’a pas manqué de saluer bruyamment devant le Parlement le 27 janvier dernier, se félicitant du «fruit d’une approche globale et multidimensionnelle». Dans la foulée, le gouvernement met en avant la création de 25.000 emplois en 2023 et promet plus de 8 milliards de dirhams d’investissements pour muscler l’infrastructure touristique.
Mais au-delà de cette autosatisfaction, une réalité demeure. 80% des arrivées touristiques proviennent toujours d’Europe, avec une dépendance quasi chronique vis-à-vis de la France, de l’Espagne et du Royaume-Uni. Autrement dit, la moindre turbulence économique ou diplomatique dans ces pays peut fragiliser toute la filière, comme l’a rappelé la pandémie, lit-on.
Depuis des années, experts et rapports officiels alertent pourtant sur cette vulnérabilité structurelle. Le nouveau modèle de développement l’a encore martelé. ll faut repenser le tourisme au-delà des plans de relance successifs. Las, malgré deux contrats-programmes et un troisième négocié en pleine crise sanitaire, le Maroc peine à passer des intentions aux actes.
Certes, des marchés porteurs comme les États-Unis, le Canada, le Brésil, la Chine ou l’Inde figurent sur toutes les feuilles de route et les PowerPoint ministériels. Mais sur le terrain, la traduction concrète reste timide. La hausse est de 6 % seulement pour les visiteurs américains en 2024, contre des augmentations spectaculaires pour des marchés déjà dominants comme le Royaume-Uni (+47%).
Même le tourisme interne, souvent brandi comme amortisseur en cas de crise, demeure sous-exploité. Avec 8,5 millions de nuitées, il ne pèse pas lourd, faute d’une politique volontariste pour rendre les destinations accessibles et attractives pour les familles marocaines, notamment en dehors des pôles balnéaires classiques.
La nouvelle feuille de route à l’horizon 2026 promet pourtant monts et merveilles, mais ces objectifs, souvent recyclés d’un plan à l’autre, peinent à masquer l’éternel chantier de la diversification. À l’heure où la concurrence régionale s’organise (Tunisie, Égypte, Turquie), le Maroc ne pourra plus se satisfaire longtemps de slogans.








