L’économie nationale fait aujourd'hui face à une situation inédite marquée par un double choc de l’offre et de la demande, à cause essentiellement des mesures strictes de confinement de la population ayant été adoptées à la fois au Maroc et dans la majeure partie des pays partenaires.
Face à ce contexte difficile, Bank Al-Maghrib a entamé depuis mars 2020 une nouvelle ère de politique monétaire. Celle-ci s’avère plus accommodante, dérogeant ainsi à la ligne de conduite conventionnelle de cette institution, explique AGR dans une note consacrée au dernier Conseil de Bank Al-Maghrib, tenu mardi 22 septembre. Les auteurs de la note ont dégagé 5 messages clés à retenir de ce conseil.
1. taux directeur: un statu quo largement anticipé Au terme de sa 3e réunion de politique monétaire en 2020, Bank Al-Maghrib a maintenu son taux directeur inchangé à 1,5%. Cette décision, rappelle AGR, intervient après une baisse historique du taux directeur de 50 points de base en juin dernier.
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Le statu quo du taux directeur était largement anticipé par les institutionnels locaux lors du sondage réalisé par AGR au mois d’août dernier. L’enquête, qui s’était basée sur un échantillon représentatif de 34 investisseurs financiers, avait abouti à un consensus clair en faveur d’une stabilité du taux directeur au cours du deuxième semestre 2020.
Parmi les investisseurs sondés, certains ont avancé que BAM marquerait une pause dans la baisse du taux directeur afin d’évaluer de manière plus précise les répercussions économiques de la crise sanitaire durant le quatrième trimestre de 2020. D’autres ont expliqué que la Banque centrale tiendrait compte des conditions de rémunération de l’épargne qui se trouvent sous pression en raison des baisses successives du taux directeur depuis le début de la pandémie.
La décision de Bank Al-Maghrib de maintenir inchangé le taux directeur est par ailleurs en ligne avec les décisions de politique monétaire des principales grandes banques centrales à l’international.
2. Absence de pressions inflationnistes à horizon 2021C’est le deuxième message clé à retenir du dernier conseil de BAM, selon AGR. L’absence de pressions inflationnistes à horizon 2021 offre à la Banque centrale «une marge de manœuvre confortable» pour assouplir davantage sa politique monétaire durant les mois à venir, et ce, dans le cas où la situation économique l’exigerait, analyse le département recherche d’Attijariwafa bank.
«Il est réconfortant de constater que la politique monétaire accommodante de la Banque centrale s’opère dans un cadre inflationniste maîtrisable. En effet, la mission de stabilité des prix semble bien menée au Maroc, à travers un niveau d’inflation évoluant en dessous des 2% depuis 2008», peut-on lire sur la note.
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L’absence de pressions inflationnistes est corroborée, d’une part, par la chute du cours du Brent à l’international, dont le prix moyen s’établit à 42 dollars le baril en 2020 contre 66 dollars en 2019 et, d’autre part, par la dégradation de la demande intérieure sous l’effet de l’affaiblissement des transferts MRE et de l’investissement.
3. Un repli des coûts de financement des agents économiquesLes crédits bancaires à l’économie ont progressé de 5,1% en juillet 2020, sur une année glissante. Pour AGR, cette progression est attribuable à la baisse du coût de financement des agents économiques. Autrement dit, les taux assortissant les crédits bancaires à la clientèle, appelés taux débiteurs dans le jargon financier, ont globalement diminué.
Ainsi, en matière de coût de refinancement des entreprises privées et des ménages, les taux débiteurs ont poursuivi leur tendance baissière initiée en 2017. Ces derniers cèdent plus de 30 points de base en l’espace d’un trimestre, passant de 4,9% au premier trimestre 2020, à moins de 4,6% au deuxième trimestre.
Toutefois, nuancent les analystes d’AGR, «la hausse soutenue des crédits bancaires dans un contexte économique difficile pèse sur le coût du risque du secteur qui devrait selon nous, plus que doubler en 2020».
4. La planche à billets, un scénario peu crédible pour le MarocContrairement à l'option prise par plusieurs banques centrales à l’international, le recours à la «planche à billets» est un scénario peu crédible pour le cas du Maroc, estime-t-on chez AGR. En effet, le recours aux instruments monétaires non conventionnels à plus long terme, à l’instar des pensions livrées et des prêts garantis, est de nature à alléger les pressions croissantes sur la liquidité du système financier marocain.
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D’ailleurs, mardi, en conférence de presse, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a réitéré sa détermination à ne pas céder à ce type de solutions qu’il n’hésite pas à qualifier de «simplistes». Pour le gouverneur, le recours à la planche à billets pourrait provoquer des effets économiques dommageables, n’excluant pas une perte de souveraineté du pays vis-à-vis des institutions financières internationales, notamment le FMI.
«Tant que j’aurais cette responsabilité, je veillerais à ne pas céder à ces idées simples. On ne peut pas précipiter le pays dans des situations d’insolvabilité dont les conséquences touchent essentiellement les personnes ayant un faible ou moyen revenu», a lancé Jouahri.
5. Prévisions de croissance: un consensus se dégageL’économie marocaine s’achemine vers sa plus forte contre-performance observée au cours de cette dernière décennie. Pénalisée par un double effet négatif, «crise sanitaire» et «baisse de la valeur ajoutée agricole», l’année 2020 devrait amorcer l’entrée en récession à travers une contraction du PIB de -6,3%, selon Bank Al-Maghrib.
Les analystes d’AGR relèvent, pour la première fois depuis le début de cette crise sanitaire, «un consensus des principales institutions locales quant aux prévisions de croissance de l’économie marocaine». Ce consensus table sur une récession autour de -6,1% en 2020 suivie d’une reprise supérieure à 4% à compter de 2021.
Il faut dire qu’au fil des mois, les principales institutions conjoncturistes du Royaume ont affiné leurs prévisions macroéconomiques, à la lumière de l’évolution de la situation épidémiologique au Maroc et à l’étranger. Ces ajustements successifs débouchent aujourd’hui sur une certaine convergence des points de vue entre ces institutions.
Ainsi, pour le Haut Commissariat au Plan (HCP), le PIB du Maroc devrait se contacter de -5,8% en 2020 avant de croître de 4,4% en 2021. Pour le Centre marocain de conjoncture (CMC), la récession serait de -6,2% en 2010 et la croissance de 5,5% en 2021, tandis que pour la Banque centrale, l’économie marocaine se replierait de -6,3% en 2020, et augmenterait de 4,7% en 2021.
Il faut néanmoins souligner que ces prévisions restent entourées d’un niveau exceptionnellement élevé d’incertitudes, liées notamment à l’évolution de la pandémie, à l’ampleur de ses retombées ainsi qu’au rythme de la reprise.