Une telle conjonction d'événements, qui aurait déjà été difficile à gérer pour les gouvernements ou les entreprises si elle s'était étalée sur une décennie, «s'est produite en l'espace de seulement trois ans», relève Beata Javorcik, économiste en chef à la Berd.
«Et avec la perspective de nouvelles turbulences à venir, il est clair qu'il n'y aura pas de retour, comme si de rien n'était, aux affaires de la période pré-pandémie», poursuit-elle, citée dans un rapport de la Berd publié ce mardi 22 novembre 2022.
L'organisation basée à Londres, fondée en 1991 pour aider les pays de l'ex-bloc soviétique à passer à une économie de marché, a depuis étendu son périmètre pour inclure des pays du Moyen-Orient, d'Asie centrale et d'Afrique du Nord.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a entraîné «le plus grand déplacement forcé de personnes en Europe depuis les années 1940», relève la Berd dans son rapport intitulé Business Unusual (affaires inhabituelles).
Cependant, l'afflux de réfugiés ukrainiens a aussi «le potentiel d'augmenter la main-d’œuvre de l'Union européenne d'environ 0,5% d'ici la fin de 2022», ajoute l'organisation. «Cela pourrait atténuer certaines pénuries de travailleurs dans les économies européennes, qui vieillissent rapidement.»
Le rapport révèle ainsi que près de trois réfugiés ukrainiens sur dix en Europe sont déjà employés dans leur pays d'accueil.
De manière générale, «le nombre de personnes déplacées contre leur gré -que ce soit à l'intérieur ou au-delà des frontières internationales- a considérablement augmenté ces derniers temps. Le chiffre total dans le monde doit dépasser les 100 millions d'ici fin 2022», note le rapport.
Près des deux tiers de tous les réfugiés viennent de Syrie, d'Ukraine, de Cisjordanie et de Gaza, du Venezuela ou d'Afghanistan, et près de la moitié sont des enfants.
«Plus tolérantes»Le rapport relève notamment que les populations concernées sont «devenues beaucoup plus tolérantes envers les réfugiés dans leurs pays», depuis qu'une guerre a explosé aux portes de l'UE, une proximité qui facilite l'empathie avec les déplacés.
En revanche, les économies de ces pays connaissent encore d'importantes difficultés, selon le rapport, qui souligne par exemple que les entreprises sont touchées par des niveaux d'endettement record.
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De nombreuses «entreprises zombies» -endettées et en difficulté, évitent pourtant le défaut de paiement grâce à un accès à des financements bon marché.
Un phénomène qui pénalise les compagnies plus saines dans ces pays, estime la Berd.
Beata Javorcik s'attend à ce que l'inflation grimpe encore dans les régions d'activité de la Berd, largement focalisées sur l'Europe de l'Est, alors que «les prix élevés de l'énergie devraient persister jusqu'en 2024».
La Berd avait abaissé en septembre à 3% sa prévision de croissance pour ses pays et les perspectives s'assombrissent.
«Nous avions (en septembre) un scénario pessimiste avec un accès au gaz russe complètement coupé pour l'Europe et je pense que nous nous en rapprochons», selon l'économiste.
«Pour le moment, nous ne voyons aucun signe de reprise», insiste Beata Javorcik, alors que la prochaine série de prévisions de croissance officielles de la banque est prévue en février.
Le rapport relève aussi que la multiplication des évènements météorologiques extrêmes augmente les risques pour les chaînes d'approvisionnement mondiales, «avec de graves implications pour la production, la fabrication et la distribution de biens dans le monde».
«Les considérations environnementales doivent devenir un élément central de la gestion des risques des entreprises», martèle la Berd.
L'organisation estime en outre que les décideurs politiques pourraient envisager d'introduire des «stress tests» pour les chaînes d'approvisionnement dans les secteurs critiques, similaires à ceux effectués sur les banques après la crise financière mondiale de 2008.