D’abord, il convient de rappeler que le gouvernement a déjà réussi à barrer la route à la liste noire des régimes fiscaux dommageables de l’Union européenne (UE), en supprimant notamment, à travers la Loi de finances 2019, les dispositifs incitatifs des banques offshore, des holdings financiers, etc. Cette liste noire constituait une menace réelle sur plus de 600 entreprises marocaines qui exportent leurs produits vers l’UE. Aujourd’hui, cette page est définitivement close grâce au sérieux accordé à ce dossier par Mohamed Benchaaboun, ministre de l’Economie et des Finances, qui est le négociateur en chef, partie marocaine, avec l’UE sur le volet fiscal.
Il s’en est suivi un débat houleux autour des avantages fiscaux accordés aux exportateurs (IS à 17,5%) ainsi qu’aux zones franches d’exportation (IS à 8,75% après cinq ans d’exonération).
L’on se rappelle tous des propos de l’ex Commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, qui, lors des troisièmes Assises de la fiscalité, début mai 2019 à Skhirat, s’est félicité du retour en force des relations entre le Maroc et l’Union européenne, mettant fin aux malentendus qui ont obscurci les liens entre les deux parties ces dernières années. «Nous avons travaillé intensément avec le ministère de l’Economie et des Finances et avons réussi à éviter que le Maroc figure sur la liste noire des paradis fiscaux», a affirmé Pierre Moscovici.
Moscovici avait expliqué que la Commission européenne a pris note des réformes menées pour éliminer toute contradiction entre les normes de la fiscalité internationale et le système fiscal marocain, notamment l’abolition de régimes fiscaux dommageables que sont les coordinations des banques off shore et les holdings off shore.
Pour sortir cette fois-ci de la liste grise, le Maroc s’était engagé à corriger trois régimes fiscaux préférentiels, à savoir ceux des zones franches d'exportation, des entreprises exportatrices et celui de Casablanca Finance City. Chose promise, chose due. De profondes modifications ont été apportées par la Loi de finances 2020. Si l’exonération d’IS a été maintenue pendant les cinq premières années en faveur des entreprises installées dans les zones franches d’exportation (rebaptisées zones d’accélération industrielle), le taux est passé de 8,75% à 15% quelque soit la destination de la production (marché local ou à l’export).
«L’UE a mis la pression sur le Maroc pour appliquer ce taux y compris aux entreprises déjà installées pour lesquelles l’ancien régime fiscal accorde un taux préférentiel sur une durée de 20 ans. Le Maroc s’y est farouchement opposé et a obtenu gain de cause. C’est vous dire que nous nous sommes durement battus pour défendre les intérêts du Maroc», nous confie un responsable au ministère des Finances, ayant pris part aux négociations avec l’UE. L’enjeu pour le Maroc était de défendre les industriels déjà implantés dans les zones franches et surtout les 500.000 emplois générés par les activités exportatrices.
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La décision actée par les ministres des Finances de l’UE, lors du Sommet de l’Ecofin tenu ce mardi 18 février à Bruxelles, en vertu de laquelle le Maroc est maintenu dans la liste grise des régimes fiscaux dommageables de l’UE, ne doit pas inquiéter outre mesure. «Les ministres de Finances des pays membres de l’UE ont pris acte des réformes engagées par notre pays en vue d’une mise en conformité avec les nouvelles normes fiscales et considèrent que les dispositions fiscales régissant le secteur exportateur et les zones d’accélération industrielles sont désormais conformes aux normes requises», peut-on lire dans un communiqué diffusé cet après-midi par le ministère de l’Economie et des Finances.
Cette décision, ajoute la même source, obtenue grâce aux efforts déployés, revêt une importance majeure pour notre pays compte tenu des enjeux en matière d’emploi et de balance commerciale liée à ces deux régimes.
Si le Maroc a été temporairement maintenu dans ladite liste grise, c’est en raison du régime fiscal de «Casablanca Finance City», malgré les corrections apportées au régime fiscal régissant cette place financière (relèvement de 8,75% à 15% du taux d’IS appliqué aux sociétés de service ayant le statut CFC après la période d’exonération de cinq ans).
Il se trouve que l’OCDE, (et non pas l’UE), seul organe habilité à se prononcer sur la conformité fiscale des places financières, n’a pas encore livré son rapport à ce sujet. «Le processus d’appréciation du régime fiscal de CFC par l’OCDE, toujours en cours, n’a pas permis aux ministres des Finances de l’UE de confirmer également la conformité de ce régime aux nouvelles normes», explique le communiqué du ministère des Finances.
«Si le Maroc n’est pas encore sorti de la liste grise, la raison est simplement que la Commission européenne attend la finalisation de l’évaluation par l’OCDE du régime fiscal de Casablanca Finance City», a confirmé de son côté, Paolo Gentiloni, commissaire européen en charge de l’Economie, dans une déclaration à la MAP.
Gentiloni a expliqué que «lorsque l’UE et l’OCDE évaluent en parallèle les mêmes mesures, la Commission européenne attend toujours la conclusion de la procédure par l’OCDE avant de formaliser sa décision», notant que «si l’OCDE conclut sa procédure comme prévu, il est fort probable que l’Union Européenne sorte le Maroc définitivement de la liste grise lors de sa prochaine mise à jour en octobre».
Les responsables du ministère des Finances se disent confiants quant à l’issue de l’appréciation de l’OCDE. «Nous considérons que ce qui est fait à CFC, à l’image de ce qui a été fait pour les zones d’accélération industrielle, nous met en situation de conformité», soutient notre interlocuteur. Avec la confirmation attendue de l’OCDE, renchérit le communiqué du ministère, notre pays aura rempli l’ensemble de ses engagements visant une conformité de son système fiscal aux nouvelles normes, tout en préservant ses intérêts nationaux. La confirmation de l’OCDE devrait tomber avant la fin de l’année et entérinerait la sortie définitive du Maroc de la zone grise.