Paiement fractionné: la nouvelle tendance du crédit à la consommation

Grâce à la montée en puissance des services financiers numériques, le paiement échelonné gagne du terrain en se présentant comme une option moderne face aux crédits classiques.

Revue de pressePorté par la digitalisation des services financiers, le paiement fractionné s’impose progressivement comme une alternative aux formes traditionnelles de crédit. En pleine expansion au Maroc, ce modèle séduit consommateurs et commerçants tout en soulevant des interrogations sur les risques d’endettement et la nécessité d’un encadrement rigoureux. Bank Al-Maghrib entend en faire un levier d’inclusion financière sous contrôle. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Les Inspirations Eco.

Le 09/11/2025 à 20h04

Le crédit à la consommation poursuit sa transformation au rythme des innovations technologiques. Après le prêt revolving des années 1990, les cartes de fidélité et les offres de microcrédit des années 2000, une nouvelle génération d’outils s’impose désormais: le paiement fractionné. «Cette solution, qui permet d’échelonner le règlement d’un achat, s’inscrit dans une tendance de fond visant à faciliter l’acte d’achat tout en renforçant l’usage du crédit», indique le quotidien Les Inspirations Eco dans une analyse dédiée.

Selon les derniers chiffres publiés par Bank Al-Maghrib, l’encours des crédits à la consommation a atteint, fin 2024, un total de 162 milliards de dirhams, en hausse de 7,9% sur un an, contre une progression de 6,1% l’année précédente. Cette croissance repose largement sur la dynamique des sociétés de financement, dont les prêts ont bondi de 11,5%, alors que les banques ont enregistré une progression plus modérée de 4,6%. Le marché reste dominé par les prêts personnels, qui représentent près de 70% des encours, loin devant les financements dédiés à l’achat de véhicules (17%) et d’équipements domestiques (12%).

«Dans ce contexte, l’essor du paiement fractionné, souvent désigné par son acronyme anglais BNPL (Buy Now, Pay Later), s’impose comme une extension naturelle du crédit à la consommation», souligne Les Inspirations Eco. Ce mécanisme repose sur un principe simple : acheter immédiatement et payer plus tard, en plusieurs échéances. Adopté à la fois par les commerces physiques et les plateformes de vente en ligne, il fluidifie le parcours d’achat et réduit la réticence au moment du paiement. Une étude publiée en 2024 dans le Journal of Marketing par Dionysius Ang et Stijn Maesen indique que le recours au BNPL entraîne une augmentation moyenne de 10 à 20% du montant des paniers d’achat, particulièrement marquée dans les secteurs de l’électronique, de la mode et de l’équipement domestique.

L’émergence de ce mode de paiement ne relève pas d’un simple effet de mode. Elle repose sur un écosystème collaboratif associant divers acteurs financiers et technologiques. Alya Pay, première société marocaine à se positionner sur ce créneau, a obtenu en 2024 son agrément auprès de Bank Al-Maghrib. Les principaux opérateurs du marché, tels que le Centre Monétique Interbancaire (CMI), Naps et Barid Bank, déploient désormais cette option sur leurs terminaux et passerelles de paiement. En parallèle, les établissements de paiement et leurs filiales bancaires intègrent ces solutions directement dans leurs interfaces marchandes. L’infrastructure technique est assurée par des opérateurs tels que Network International, qui garantissent la connectivité, la gestion des flux et le support logiciel. Bank Al-Maghrib, en tant que régulateur, veille à la cohérence de cet ensemble en encadrant l’octroi des agréments et la protection du consommateur.

«Mais cette innovation n’est pas exempte de risques», avertit Les Inspirations Eco. Le paiement fractionné tend à être perçu comme une facilité plutôt que comme un crédit, alors qu’il s’agit bien d’un prêt à court terme, souvent accordé sans analyse approfondie de la solvabilité. Ce modèle expose donc les consommateurs à des risques de défaut de paiement et d’endettement excessif. Certains utilisateurs peuvent multiplier les achats via plusieurs plateformes, accumulant ainsi des créances difficiles à suivre. L’absence de reporting systématique aux bureaux de crédit complique encore la lecture du risque global.

Sur le plan macroéconomique, le développement du BNPL interroge l’équilibre entre innovation financière et prudence monétaire. En ouvrant de nouveaux canaux d’accès au crédit, il transfère une partie du risque hors du système bancaire traditionnel. Pour répondre à ces enjeux, Bank Al-Maghrib a lancé le programme Taqsit 2.0, qui vise à instaurer un cadre national pour ce type de financement. Ce dispositif repose sur trois piliers : la supervision centrale, la prévention du surendettement et la protection du consommateur. L’évaluation de la solvabilité est confiée aux bureaux de crédit Creditinfo et Quantik, tandis que des mécanismes de transparence imposent des échéanciers clairs et des plafonds de crédit adaptés aux profils des usagers.

Le paiement fractionné pourrait ainsi s’imposer comme le nouveau standard du crédit à la consommation. Plus souple et perçu comme plus transparent que les prêts traditionnels, il séduit par l’absence d’intérêts et de frais cachés. Cette simplicité contribue à réhabiliter, aux yeux des consommateurs, l’usage du crédit, longtemps associé à la complexité des taux et à la rigidité des procédures. Cependant, la promesse d’un endettement sans coût réel suscite le débat. Plusieurs voix s’interrogent sur la neutralité du modèle, en particulier sur les commissions perçues auprès des commerçants.

Pour ses promoteurs, la clé réside dans la régulation. Le dispositif encadré par Bank Al-Maghrib repose sur un modèle sans intérêts directs pour le consommateur, le risque étant assumé par les acteurs agréés. Cette approche vise à concilier innovation, inclusion financière et sécurité du système. Le paiement fractionné apparaît ainsi comme une étape supplémentaire dans la modernisation du crédit à la consommation, à la croisée des enjeux technologiques, économiques et sociaux.

Par La Rédaction
Le 09/11/2025 à 20h04