Mediaco: récit d'une chute vertigineuse

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Au total 16.700 actions Mediaco n’ont pas été présentées à l'Offre publique de retrait. Les 32 dirhams offerts par Afrique Levage ne représentent même pas 6,5% du plus haut historique du cours de l’action. Retour sur la faillite d'une PME à l’avenir prometteur.

Le 02/12/2014 à 08h00

De nombreux actionnaires ont préféré ne pas répondre favorablement à l’Offre publique de retrait (OPR) de Mediaco par Afrique Levage, l'actionnaire majoritaire. En effet, ce dernier cherchait à acquérir quelque 99.188 actions, mais les détenteurs du titre ont répondu à hauteur de 83,2% seulement. Quelque 16.700 actions n’ont pas été présentées. La question qui se pose est de savoir pourquoi ces investisseurs, essentiellement des petits porteurs, n’ont pas jugé nécessaire de participer à l’opération. C’est vrai que pour certains investisseurs, participer à l’opération était comparable à avaler une couleuvre. Car faut-il rappeler que les actionnaires avaient déboursé 514 DH par action, dans les heures de gloire du spécialiste de la logistique. Alors qu’aujourd’hui, il ne leur était offert que 32 dirhams par titre Medico.

514 dirhams, c’est effectivement le plus haut niveau historique de l’action Mediaco, enregistré en octobre 2007. C’était au moment où non seulement la Bourse de Casablanca continuait à enregistrer des croissances folles, mais Mediaco avait son avenir entre les mains. En 2007, le marché boursier était encore dans ses années fastes et il avait enregistré une progression annuelle de 33,9%. L'acion de la PME, qui avait été introduite au cours de 495 dirhams, était montée jusqu'à 514 dirhams. 

Juste après son introduction, l’action Mediaco avait chuté jusqu’à moins de 200 dirhams. Cette chute s’expliquait surtout par les ventes post-introduction, qui sont le fait de spéculateurs pris dans le piège du gain facile. Mediaco n’était pas la seule victime de ce type de spéculation, qui n'inquiétait personne.

Investissements hasardeux

Mais entre-temps, il s’est passé beaucoup de choses qui ont mis en péril la solidité financière de Mediaco. D’une part, il y a eu l’erreur du management d’engager des investissements démesurés, avec la complicité de certains banquiers. Grisé par la phase de croissance dans laquelle se trouvait le secteur du BTP, Mediaco s’est lancée dans des acquisitions coûteuses de matériel de levage et de transport, déséquilibrant rapidement son bilan. A titre d’exemple, les dettes de financement n’étaient que de 14 MDH à fin 2005, c’est-à-dire juste avant son introduction en Bourse. Trois ans plus tard, fin 2008, elles totalisaient 185 MDH, dont un emprunt obligataire de 60 MDH. Une banque de la place, filiale d’un groupe français, a été le principal créancier de la société pour le reste de ses dettes de financement. "Cet endettement s’est fait contre l’avis des conseillers qui avaient accompagné la société en Bourse", affirme l’un d’entre eux, ajoutant que "c’est à ce moment que le divorce a été consommé entre Finergy et Mediaco".

D’autre part, une fois les investissements réalisés, l’euphorie du BTP a commencé à s’estomper. De plus, la crise de l’immobilier en Espagne a été à l’origine d’une concurrence inattendue. Le matériel de levage des chantiers espagnols a commencé à déferler sur le marché marocain. Du coup, Mediaco s’est progressivement mis dans une situation financière délicate. Il n’était plus possible de payer ses dettes dès 2010. Et en 2011, la société a tenté de se mettre en cessation de paiement. Mais le tribunal de commerce de Casablanca n'avait pas accédé pas à sa demande. Et depuis, rien ne va plus pour la société. Le cours de l’action ne pouvait que fondre, suivant les déficits abyssaux cumulés ces longues années. Oubliant volontairement de comptabiliser les provisions en tout genre d’un montant proche de 100 MDH, Mediaco cumulait, malgré tout, à fin 2013, quelque 203 MDH de pertes.

Les actionnaires qui ont décidé de ne pas répondre à l’OPR, se disent, sans doute, qu’après tout ce qu’ils ont déjà perdu, la situation ne peut être pire. Après tout, est-il possible à l’action de valoir moins que les 32 dirhams proposés, même après sa radiation de la cote ?

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 02/12/2014 à 08h00