La masse salariale des fonctionnaires marocains atteindra 195 milliards de dirhams en 2026, un nouveau record qui reflète les revalorisations engagées ces dernières années et relance le débat sur la soutenabilité de cette trajectoire. Derrière cette hausse se dessine une équation budgétaire complexe, s’interroge le quotidien L’Economiste dans son édition du vendredi 24 octobre: comment concilier qualité du service public, pouvoir d’achat des agents et équilibre des finances publiques?
Selon le rapport sur les ressources humaines, la part de la masse salariale dans le PIB est restée en moyenne à 10,67% entre 2015 et 2025, avec un pic à 11,6% en 2020, année marquée par le ralentissement économique lié à la pandémie. Rapportée au budget général, cette part a reculé de 38,5% en 2015 à 32,4% en 2025, traduisant un effort de rationalisation et de réallocation au profit de l’investissement public. Pourtant, la masse salariale continue d’absorber près de 60% du budget de fonctionnement et plus de la moitié des recettes ordinaires, limitant ainsi les marges de manœuvre budgétaire.
Cette relative stabilité en proportion masque une augmentation continue en valeur, alimentée par trois facteurs, explique L’Economiste, citant les revalorisations générales et sectorielles issues des accords sociaux 2022-2025, les effets de carrière et les mesures fiscales de 2025, dont la révision de l’IR, qui a augmenté le salaire net des fonctionnaires. D’ici 2027, le coût total de ces accords atteindra 49 milliards de dirhams. Conséquence directe: le salaire net moyen dans la fonction publique a progressé de 43,6% en dix ans, passant de 7.381 dirhams en 2015 à 10.600 dirhams en 2025.
Le projet de loi de finances 2026 prévoit par ailleurs une reprise significative des recrutements, avec 36.895 postes budgétaires créés, un volume inédit depuis 2019. La majorité sera consacrée aux secteurs sociaux, notamment à l’Éducation nationale, qui bénéficiera de 19.000 postes pour soutenir la généralisation de la scolarisation, accompagner la réforme pédagogique et faire face aux départs massifs à la retraite. L’enseignement supérieur recevra 600 postes pour régulariser les enseignants titulaires de doctorat promus au grade d’enseignants-chercheurs, tandis que 500 postes seront attribués au cabinet du chef du gouvernement, dont 200 pour les personnes en situation de handicap. Les autres postes seront répartis entre les ministères de l’Intérieur, de la Santé et de la Défense.
Ces recrutements anticipent une vague de départs à la retraite qui concernera 68.418 fonctionnaires entre 2025 et 2029, dont 77% dans l’éducation, l’intérieur, la santé et l’enseignement supérieur. Le défi n’est plus seulement quantitatif mais aussi qualitatif: renouveler et requalifier les compétences pour assurer la continuité du service public.
Malgré les revalorisations depuis 2022, la fonction publique reste fortement polarisée. Les cadres et cadres supérieurs perçoivent en moyenne 12.484 dirhams nets par mois et concentrent plus de 80% des dépenses de personnel, tandis que le personnel d’exécution gagne en moyenne 5.925 dirhams et les agents de maîtrise autour de 7.238 dirhams. La majorité des fonctionnaires, près de sept sur dix, perçoit entre 6.000 et 14.000 dirhams, et seulement 4,8% dépassent 20.000 dirhams mensuels. Le relèvement du salaire minimum à 4.500 dirhams en 2025 a atténué les écarts au bas de l’échelle, mais les cadres supérieurs continuent de concentrer les rémunérations les plus élevées.
Le corps administratif est par ailleurs vieillissant: en 2025, l’État compte 576.062 fonctionnaires civils, dont un tiers dans l’Éducation nationale. Trente-quatre pour cent des agents ont 50 ans ou plus, contre 23,3% de moins de 35 ans. La catégorie intermédiaire (35-50 ans) représente 42,7% des effectifs. Cette structure impose une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences pour transférer le savoir-faire et rééquilibrer la pyramide des âges.








