Rien de mieux, pour faire traîner une réforme, que de multiplier les études et les évaluations. Et cette manœuvre politique s’applique à la perfection aux dérogations en matière d’urbanisme. Alors que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait consacré un rapport accablant à ce système il y a de cela deux ans, le ministère de l’Urbanisme commence à peine à se pencher sur le sujet avec le lancement d’un appel d’offres pour réaliser une étude d’impact des dérogations.
Comme le rapporte Les Eco, dans sa livraison du 22 octobre, «cette étude doit passer au peigne fin plusieurs aspects de ce système très décrié dans le secteur». Concrètement, le ministère confiera à un cabinet de consulting les tâches «d’analyser les modes d’application de la procédure de dérogation au vu des dispositions des différentes circulaires et l’identification des entraves rencontrées dans l’application» ; «l’évaluation des retombées socio-économiques effectives de cette procédure au niveau national régional et local ainsi que son impact environnemental» ; ainsi que «la proposition des mesures à même de recadrer et améliorer ce dispositif».
Pourtant, le système de dérogations avait déjà été scruté en profondeur par les experts du CESE. Et son efficacité reste très relative selon le rapport de cette institution constitutionnelle. Car, si les dérogations ont permis l’accompagnement de la réalisations des politiques sectorielles (plan Azur, plan émergence, etc.) ainsi que l’amélioration de l’attractivité d’investissement dans quelques régions, le dispositif a surtout entraîné des dysfonctionnements. Et ils sont nombreux: impact sur l’environnement, spéculation immobilière, manque de visibilité.
Le rapport du CESE parlait même de «généralisation de la pratique dérogatoire» avec une moyenne de 110 dossiers traités en moyenne entre 2003 et 2013 (dont 58% ont eu un avis favorable). Les apports économiques réels du système ont, par ailleurs, été en-deçà des objectifs de départ puisque les projets immobiliers (55%) ont été prédominants par rapport aux projets industriels ou touristiques. «Le système de dérogation prive ainsi l’Etat de moyens financiers dans un cadre légal, en ayant recours à des solutions financière de raccommodage», conclut Les Eco.