Le Maroc se tourne résolument vers le gaz naturel liquéfié, une ressource fossile mais plus propre que le fioul ou le charbon, qu’il considère aujourd’hui comme une énergie de transition capable de concilier flexibilité, compétitivité industrielle et sécurité des approvisionnements. Cette démarche, explique le magazine Finances News Hebdo dans une analyse dédiée, s’inscrit dans un contexte national où le pays reste fortement dépendant des importations énergétiques, qui couvrent près de 94% de ses besoins. En 2024, cette dépendance a coûté près de 114 milliards de dirhams à l’État, un chiffre qui souligne l’urgence d’une stratégie visant à réduire cette hémorragie financière.
«Face à cette réalité, le Maroc multiplie ses efforts dans le domaine des énergies renouvelables, qui représentent désormais 45% du mix électrique national. Chaque point de substitution d’énergie fossile par des sources renouvelables se traduit par une économie annuelle d’environ 2 milliards de dirhams», note l’économiste Abdelghani Youmi, cité par Finances News. Mais le Royaume ne se limite pas à cette approche. Depuis plusieurs années, il s’engage également dans le développement d’une filière gazière, considérée comme stratégique pour accompagner la transition énergétique. Le gaz naturel liquéfié, en particulier, s’impose comme un pilier de cette transition, offrant à la fois flexibilité, compétitivité et sécurité énergétique.
Cette stratégie se matérialise à travers une feuille de route gazière ambitieuse à l’horizon 2050. Elle se traduit concrètement par des projets phares comme le lancement de la première station de GNL à Nador West Med, annoncé récemment par la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah. Deux nouvelles unités de production à Tahaddart, fonctionnant au gaz naturel, sont également prévues, tandis que plusieurs centrales existantes alimentées au fioul ou au charbon seront converties au gaz. L’objectif est de faire du gaz naturel un vecteur de flexibilité pour le réseau électrique, en complément des énergies renouvelables, écrit Finances News Hebdo.
Le gazoduc Nigéria-Maroc (NMGP) constitue l’épine dorsale de cette stratégie. Décrit par un rapport de BMCE Capital Global Research comme un catalyseur d’intégration régionale et un levier pour positionner le Maroc comme hub énergétique entre l’Afrique et l’Europe, ce projet d’envergure, estimé entre 20 et 25 milliards de dollars, pourrait générer jusqu’à 1,5 milliard de dollars d’économies annuelles sur les importations d’énergie. En juillet dernier, le lancement des travaux du tronçon Nador-Dakhla par la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, a marqué le début de l’opérationnalisation de ce mégaprojet régional.
Le gaz naturel liquéfié s’inscrit au cœur de la stratégie nationale pour assurer la stabilité du système électrique et permettre l’intégration des énergies intermittentes, notamment solaire et éolienne. Dans ce cadre, un terminal flottant de regazéification (FSRU) à Jorf Lasfar est en phase avancée de planification, avec une mise en service prévue entre 2026 et 2027, offrant une capacité annuelle d’importation de 1,5 à 2 milliards de m³. Ce projet permettra au Maroc d’importer directement du gaz sans dépendre du réseau ibérique.
Le site de Nador West Med est lui aussi appelé à devenir un point nodal pour l’intégration des infrastructures GNL, en cohérence avec la montée en charge du NMGP, relève Finances News. Un contrat avec Shell garantit déjà la fourniture de 500 millions de m³ par an pour alimenter la centrale de Tahaddart, tandis que des projets d’extension visent à atteindre 1 500 MW d’ici 2028. La construction de la centrale à gaz Al Wahda, de 990 MW, dans la province de Ouazzane, complète cette stratégie en sécurisant l’approvisionnement électrique et en favorisant l’intégration des renouvelables.
Le Maroc valorise également ses ressources locales. Le projet de Tendrara prévoit un contrat de vente ferme de 350 millions de m³ par an, tandis que le permis offshore Anchois, au large de Larache, recèle plus de 13 milliards de m³ de gaz récupérable. Ces initiatives participent à structurer un véritable pôle gazier national, capable de soutenir la croissance et la compétitivité industrielle du pays.
L’accès à un gaz fiable et compétitif est perçu comme un levier pour stimuler les industries énergivores, telles que le ciment, les engrais ou la métallurgie, et pour encourager le développement de nouvelles unités de production, notamment dans la filière phosphatée.
Une énergie stable et diversifiée devrait ainsi renforcer la compétitivité des exportations marocaines et favoriser la relocalisation de certaines productions industrielles. Selon les projections, l’exploitation optimisée des infrastructures gazières pourrait contribuer à une croissance cumulée du PIB de 5 à 8% entre 2025 et 2040, avec le seul NMGP ajoutant entre 0,5 et 1% au taux de croissance annuel pendant la phase de construction.








