Le Conseil de la concurrence alerte sur l’absence d’un cadre contraignant pour le stock stratégique de céréales

Il reste tant à faire pour l'amélioration des capacités de stockage pour les réserves stratégiques du Royaume.

Silo de stockage de céréales.. DR

Revue de presseDans un avis consacré au fonctionnement du marché des moulins, le Conseil de la concurrence déplore que le Maroc ne dispose toujours pas d’une décision obligatoire encadrant la constitution d’un stock de sécurité en céréales. L’institution met en garde contre les risques que ce vide juridique fait peser sur l’approvisionnement national, dans un contexte de dépendance croissante aux importations et de fortes instabilités climatiques et géopolitiques. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien Al Akhbar.

Le 10/12/2025 à 18h58

Le Conseil de la concurrence met en garde, dans un avis consacré au fonctionnement concurrentiel du marché des moulins au Maroc, contre l’absence d’une décision obligatoire définissant les modalités de constitution d’un stock stratégique de céréales, qui fait pourtant l’objet d’instructions royales.

Selon l’avis, la loi 12.94 confie à l’Office national interprofessionnel des céréales et des légumineuses la responsabilité de constituer un stock de sécurité. Or, aucun texte contraignant n’a encore été publié pour expliciter son mode de formation et de financement, relate le quotidien Al Akhbar dans son édition de ce jeudi 11 décembre.

En l’absence de ce cadre légal, l’Office ne peut gérer ce stock de manière anticipative, ce qui expose le pays à des risques en cas de tensions sur l’offre. Le Conseil appelle ainsi à accélérer l’adoption du texte réglementaire afin de garantir l’approvisionnement en céréales et renforcer la résilience du pays face aux crises conjoncturelles. L’institution recommande également un renforcement de la robustesse de la filière céréalière, jugée essentielle pour relever les défis climatiques et économiques. Cela passe, selon elle, par un suivi rigoureux du processus de libéralisation du secteur, la mise en place d’un cadre solide de gestion du stock stratégique et la promotion de pratiques agricoles adaptées aux nouvelles conditions climatiques.

Le Conseil souligne que le secteur marocain de la minoterie, pilier de la sécurité alimentaire, demeure étroitement dépendant de la production et de l’importation des céréales, notamment du blé tendre, rapporte Al Akhbar. Il estime que le secteur traverse aujourd’hui une phase charnière, malgré les efforts consentis par l’État pour stabiliser les prix et assurer l’approvisionnement. L’augmentation de la dépendance aux importations, accentuée par les aléas climatiques et les crises géopolitiques, révèle la nécessité d’une réforme en profondeur pour en garantir la durabilité. L’excès de capacité de production, combiné aux multiples interventions publiques, crée par ailleurs des déséquilibres qui affaiblissent la compétitivité du secteur et fragilisent les opérateurs locaux.

L’avis analyse la dynamique concurrentielle du marché national des moulins en abordant plusieurs aspects: cadre juridique, répartition géographique des acteurs, mécanismes de soutien public et leurs conséquences sur la concurrence. Il examine également la gouvernance globale de la filière céréalière, dans un contexte international marqué par une forte volatilité des prix, des tensions géopolitiques et une succession d’années de sécheresse affectant lourdement la production nationale. Ces facteurs soulignent l’urgence de préparer la filière aux enjeux actuels, notamment en matière de souveraineté alimentaire, de résilience face aux chocs extérieurs et de continuité des chaînes d’approvisionnement, a-t-on lu dans Al Akhbar.

Le rapport met en avant les défis majeurs que doit relever le marché des moulins pour assurer son développement durable. Bien que la filière céréalière et la minoterie aient bénéficié de politiques de soutien visant à stabiliser les prix et garantir l’accès aux produits essentiels, le Conseil estime que les mécanismes actuels ne sont plus suffisamment adaptés aux contraintes climatiques ni aux exigences de sécurité alimentaire.

S’agissant de la politique de soutien et de compensation, l’avis rappelle qu’elle a joué un rôle déterminant dans l’équilibre du marché en stabilisant le prix de la farine de blé tendre. Elle a permis de préserver le pouvoir d’achat des ménages et d’assurer un accès équitable à un produit de base, surtout lors des flambées des prix mondiaux. Ce soutien a également aidé les minoteries à faire face à la hausse des coûts d’approvisionnement. Mais le Conseil relève que ce système présente aussi des effets pervers: en concentrant l’essentiel de l’aide sur les phases d’importation et de transformation, il réduit les incitations à l’innovation et au développement pour certains acteurs, notamment ceux dépendant fortement de la farine de blé tendre nationale. Ce mécanisme favorise une surcapacité de production et un certain immobilisme économique à un moment où la compétitivité devient cruciale.

Le rapport indique aussi que les producteurs locaux de céréales restent marginalisés dans la répartition de la valeur ajoutée, tandis que les bénéfices directs pour les consommateurs s’effritent. Une partie du soutien au blé tendre peut même profiter indirectement à des produits non essentiels, sans ciblage précis des ménages les plus vulnérables. En 2022, près de 85% des aides publiques destinées à ce secteur sont allées aux importateurs, tandis que les agriculteurs ont vu leur part diminuer fortement. Le Conseil avertit qu’un tel déséquilibre, qui néglige le secteur agricole primaire, risque de compromettre les efforts visant à renforcer la souveraineté alimentaire nationale en maintenant une dépendance structurelle envers les marchés extérieurs.

Le Conseil appelle donc à une révision en profondeur du modèle de soutien afin d’assurer une répartition plus équitable et efficace entre les différentes composantes de la filière, tout en renforçant la résilience et l’autonomie de la production nationale.

Par La Rédaction
Le 10/12/2025 à 18h58