Le Maroc s’apprête à franchir un cap stratégique avec le lancement commercial de la 5G prévu pour novembre 2025, en parfaite synchronisation avec la Coupe d’Afrique des nations (CAN) qui sera organisée par le Royaume du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026. Au-delà de l’effet d’annonce, cette évolution marque le début d’une nouvelle ère pour l’économie nationale et l’infrastructure numérique.
Une contribution attendue de 6 milliards de dollars d’ici 2030
Selon une note sectorielle publiée par BMCE Capital Global Research, la 5G pourrait générer, d’ici 2030, une contribution économique comprise entre 4 et 6 milliards de dollars, soit l’équivalent de 1,5 à 2% du PIB projeté. Cette dynamique s’inscrit dans le cadre de la stratégie Maroc Digital 2030, qui vise à faire du pays un hub numérique régional.
L’impact de la 5G ne se limitera pas aux télécommunications: il sera direct (revenus des opérateurs), indirect (essor de l’IoT, du cloud, des services numériques) et induit (productivité accrue dans les entreprises et administrations). Les secteurs les plus concernés sont l’industrie 4.0, la santé connectée, les villes intelligentes, mais aussi l’agriculture et la logistique.
Des investissements massifs et un déploiement progressif
Le Maroc prévoit près de 40 milliards de dirhams d’investissements additionnels liés à la 5G, dans un contexte où l’ensemble du secteur télécom devrait mobiliser environ 80 milliards de dirhams d’ici 2035.
La feuille de route fixée par l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) prévoit une couverture minimale de 8 villes et leurs aéroports dès novembre 2025, 25% de la population connectée fin 2026 et 70% de couverture à l’horizon 2030.
Le lancement se fera en deux étapes: d’abord via la technologie 5G NSA, qui s’appuie sur l’infrastructure 4G existante, avant une migration progressive vers la 5G SA, offrant des performances nettement supérieures (latence < 1 milliseconde, capacité multipliée par dix).
Un marché très concurrentiel
En 2024, le marché marocain des télécommunications affichait un chiffre d’affaires global estimé à 36 milliards de dirhams, en progression annuelle moyenne d’environ +3,9%. Cette tendance devrait se poursuivre pour atteindre près de 46 milliards de dirhams à l’horizon 2030, portée par l’essor des usages digitaux et le déploiement accéléré des infrastructures haut débit.
Le secteur se distingue par une concurrence accrue entre les trois opérateurs majeurs aux parts de marché très proches, «illustrant la maturité du secteur et l’efficacité de la régulation mise en place par l’ANRT», soulignent les auteurs de cette note sectorielle.
Lire aussi : L’ANRT lance un appel à concurrence pour l’attribution des licences 5G
Sur le segment mobile, Orange Maroc domine légèrement avec 34,14% de parts, suivi d’inwi (33,23%) puis de Maroc Telecom-IAM (32,63%). Sur le segment fixe, IAM conserve son leadership (52,7 %), mais recule face à la montée de ses concurrents. Sur l’Internet mobile, la 4G représente plus de 92% du parc, mais devrait progressivement céder sa place à la 5G.
Dans ce contexte, les trois opérateurs ont lancé des tests pilotes dès le second semestre 2025 avec le soutien de grands équipementiers comme Ericsson, Huawei et Nokia.
Les grands événements sportifs comme catalyseurs
La CAN 2025 puis la Coupe du monde 2030 constituent de puissants leviers pour accélérer la modernisation numérique du pays. La FIFA impose en effet des standards élevés de connectivité (fibre optique, infrastructures IT de pointe, faible latence).
Pour répondre à ces exigences, l’ANRT a lancé, en juillet 2025, un appel à concurrence pour l’attribution des licences 5G, avec des obligations strictes de couverture, y compris dans les zones rurales. Le coût total de ces licences est estimé à 2,1 milliards de dirhams (900 millions pour IAM, 600 millions chacun pour inwi et Orange).
Des défis à relever
Si les perspectives sont prometteuses, plusieurs défis demeurent. Il s’agit notamment de la monétisation des services 5G dans un marché fortement concurrentiel, la nécessité de réduire les disparités territoriales dans l’accès au haut débit, le renforcement de la cybersécurité et de la protection des données pour les infrastructures critiques, ainsi que la fin progressive des mesures de discrimination réglementaire (asymétrie tarifaire imposée à IAM), jugées désormais obsolètes.
Vers une économie numérique inclusive
Au-delà de la 5G, le Maroc poursuit ses efforts pour généraliser la fibre optique (objectif de 5,6 millions de foyers connectés d’ici 2030) et dynamiser des services numériques tels que le paiement mobile, qui reste encore en retrait malgré une croissance de +32% en 2024.
L’ouverture du marché aux opérateurs mobiles virtuels (MVNO), le développement du gaming et du streaming et la convergence entre banques et opérateurs télécoms sont autant de relais de croissance identifiés pour stimuler la demande de data et renforcer la rentabilité du secteur.
La 5G apparaît comme un levier stratégique pour l’économie marocaine, mais son succès dépendra de la capacité du pays à relever les défis de l’investissement, de la régulation et de l’adoption massive par les entreprises et les citoyens.







