Alors que le Maroc affine ses leviers économiques pour préserver l’équilibre macro-financier et soutenir la croissance, un nouvel éclairage s’intéresse à un aspect encore peu exploré: l’impact direct de la politique monétaire sur les prix de l’immobilier. Une étude menée par Bank Al-Maghrib, basée sur des données trimestrielles de 2006 à 2024 et intitulée «Monetary Policy and Real Estate Asset Prices in Morocco», reprise par le quotidien Les Inspirations Eco, analyse de manière empirique l’effet d’un choc de politique monétaire sur les prix immobiliers, en mobilisant des modèles économétriques avancés, dont le Structural Vector Autoregression (SVAR).
Les résultats quantifient désormais le lien entre variations des taux d’intérêt et fluctuations des prix des actifs immobiliers. Selon le document, une hausse de 12 points de base du taux des bons du Trésor à un an entraîne une baisse de 0,3 % des prix immobiliers au bout de six trimestres. De même, une hausse de 10 points de base du taux directeur de Bank Al-Maghrib provoquerait une contraction de 0,35 % sur la même période. Si ces chiffres semblent modestes, leur impact sur un marché aussi vaste révèle des dynamiques significatives.
Le rapport souligne que le marché immobilier marocain manifeste une sensibilité aux variations de taux, illustrant une transmission effective mais partielle de la politique monétaire, écrit Les Inspirations Eco. Cette sensibilité varie selon les périodes et les chocs analysés. Les mesures de resserrement récentes, notamment la hausse progressive du taux directeur entre 2022 et 2023, ont eu un effet marqué mais temporaire sur le ralentissement des prix des logements. Cette observation prend tout son sens à la lumière de la structure du marché marocain, où le logement reste à la fois un actif d’investissement et un outil de stabilité financière. Les prix immobiliers influencent ainsi l’économie via plusieurs canaux: l’effet richesse, la stabilité financière et le signal économique.
L’étude relève toutefois plusieurs freins à la transmission des taux, comme la prédominance des prêts à taux fixes, le développement limité du marché hypothécaire, le recours aux financements informels et la lenteur des ajustements dans les circuits de crédit. Selon les auteurs, la réponse modeste des prix à un choc monétaire reflète ces rigidités structurelles, comparables à celles observées dans d’autres marchés émergents comme la Turquie ou l’Afrique du Sud.
D’un point de vue macroéconomique, l’immobilier joue un rôle de baromètre de confiance et de multiplicateur d’activité. L’effet richesse, notamment, renforce le patrimoine des ménages, leur capacité d’emprunt et leur propension à consommer, tandis qu’une correction du marché peut rapidement peser sur la consommation, le crédit et la stabilité bancaire. L’étude met également en avant l’importance de la traçabilité des transactions et du renforcement de la collecte de données, qui permettent une analyse plus fine de l’élasticité de la demande immobilière aux taux. Les réactions du marché peuvent toutefois être asymétriques: les biens résidentiels dans les grandes agglomérations présentent une plus grande inertie que les biens locatifs ou commerciaux, et l’offre reste rigide en raison des délais de construction, atténuant l’effet immédiat des chocs sur les prix.
Ces résultats invitent à repenser l’efficacité des instruments monétaires sur des actifs peu liquides, conclut Les Inspirations Eco. Pour que la politique monétaire atteigne pleinement ses objectifs, elle doit s’appuyer sur un marché immobilier plus réactif et transparent, soutenu par un cadre réglementaire adapté. À l’aube du débat sur la Loi de finances 2026, cette étude offre des éléments stratégiques pour l’orientation des politiques économiques et souligne l’importance pour les autorités monétaires de considérer l’immobilier comme un canal de transmission essentiel et un outil de prévention des bulles potentielles.








