C’est l’une de craintes majeures qu’évoquent les opérateurs économiques lorsqu’ils sont amenés à se prononcer sur l’instauration prévue dès le deuxième semestre de cette année d’un régime de change flexible: le Maroc ne risque-t-il pas de vivre la même situation que celle de l’Egypte (fin 2016) ou celle de la Turquie (2001)?
En efet; ces deux pays ont vu leur monnaie chuter d’une manière spectaculaire lorsqu’ils sont passés à ce nouveau régime de change, ce qui a mis leur économie à mal. Si cela devait intervenir au Maroc, cela constituerait un sacré coup pour notre économie aussi.
Il est vrai que le risque zéro n’existe pas, surtout que le régime flexible se traduira, à terme, par l’instauration d’un système où la valeur du Dirham dépendra exclusivement de l’offre et la demande sur le marché.
Cependant, si l’on se fie à un benchmark des situations entre ces deux pays au moment du passage au régime de change flexible, et la situation que vit le Maroc aujourd’hui, nous pouvons être quelque peu rassurés.
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Ce benchmark a été présenté ce lundi par des représentants de la Banque centrale, de l’Office des changes et de la Direction du Trésor et des finances extérieures lors d’un séminaire de formation dédié aux médias.
Le premier constat qui en ressort est que la Turquie et, plus récemment, l’Egypte étaient contraintes d’abandonner leur régime de change fixe lorsqu’ils sont passés au flexible. Pour le cas du Maroc, la situation est totalement différente car ce changement de régime de change est volontaire.
L’absence de contraintes à ce niveau permet au royaume d’entamer le processus de migration vers le nouveau régime de change d’une manière progressive et préparée, ce qui permet de se prémunir contre l’impact sur la monnaie d’une migration brusque. C’est ce qu’ont dû subir les deux pays précités, ainsi que plusieurs autres économies qui ont changé de régime sous la contrainte des crises.
Ensuite, il faut bien noter que le royaume présente actuellement certains indicateurs macro-économiques qui devraient jouer en sa faveur. Le premier est celui de l’inflation. Depuis plusieurs années, le Maroc la maintient en dessous du taux de 2%. Or, lorsque la flexibilité a été introduite chez les deux pays “benchmarkés”, elle était très élevée : plus de 23% en Egypte et plus de 30% en Turquie. Conclusion: le Maroc est mieux préparé à digérer les pressions inflationnistes qu’il risque de subir en changeant de régime de change.
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L’autre indicateur qui fait la différence dans le cas du Maroc est lié aux réserves en devises disponibles au moment du changement de régime. Actuellement, le Maroc affiche un «Ara Metric» (indicateur évaluant le stock de devises d’un pays en fonction de ses besoins à court terme) compris entre 100% et 150% alors qu’il n’était que de 50% en Egypte et de 68% en Turquie lorsqu’elles ont changé leur régime de change.
Cette situation est de nature à assurer au marché national une offre en devises non négligeable qui permettra au Dirham de maintenir sa valeur, ou du moins, lui évitera de chuter brutalement. Ceci est d’autant plus probable lorsque l’on sait que le Maroc dispose d’une réglementation des changes qui ne permet pas une ouverture totale des comptes en capital, notamment ceux détenus par les résidents.
En effet, si cette réglementation est maintenue en l’état, elle réduit les risques d’une fuite des devises à l’étranger qui aurait pour impact une baisse de la valeur d’un Dirham qui serait plus abondant sur le marché.
D’autres arguments, comme une situation politique plus stable, un marché parallèle des devises où les taux de changes restent en ligne avec ceux du marché officiel, ainsi que la faible ampleur des investissements étrangers à but purement spéculatif, sont également présentés pour faire la différence entre le contexte marocain. Ceci, au moment où la transition vers le régime de change flexible est enclenchée et celui des autres pays qui ont subi des crises lors de leurs transitions.
Il reste maintenant juste à poursuivre le processus d’une manière permettant au royaume de tirer profit de ses atouts et, surtout, d’éviter les erreurs que d’autres pays ont commises.