Censée être une solution pour renforcer la protection des droits d’auteur, la nouvelle «redevance» sur les copies privées suscite commentaires et remous dans le milieu des professionnels de l’informatique. Le mécontentement et la colère sont perceptibles.
Depuis plusieurs jours, les professionnels de l’informatique s’activent au niveau de leurs représentations professionnelles pour décider de la suite à donner à la circulaire conjointe, publiée par le ministère de la Culture et l’Administration des douanes, et qui rend applicable, à compter du 22 juin dernier, la loi instaurant une «redevance pour copies privées».
Comme rapporté par le360, celle-ci consiste en une taxe imposée sur l’importation (ou la production le cas échéant) des différents supports de stockage (CD, DVD, clefs USB, disques durs), mais aussi sur le matériel de stockage incorporé dans les ordinateurs, les appareils informatiques, les téléphones portables ou même les téléviseurs. En effet, le disque dur d’un ordinateur portable ou de bureau est également concerné par cette taxe.
Le montant de cette taxe est fixé, en grande partie, sur la base des capacités de stockage de ces supports. Par exemple, une clé USB de 8 Go (ou plus) est taxée à 0,5 DH par Go. Un téléphone portable d’une capacité supérieure à 32 Go est taxé à 2 DH par Go…
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Joint par le360, Saloua Karkri Belkeziz, présidente de l’APEBI (la Fédération marocaine des technologies de l’information, des télécommunications et de l’offshoring), confirme avoir été saisie par plusieurs opérateurs du secteur et que des réunions ont déjà eu lieu. «Nous avons passé les derniers jours à évaluer l’impact de cette mesure et des réunions sont programmées avec les ministères concernés», explique-t-elle.
Si sur le principe, les opérateurs ne sont pas contre une réglementation qui préserve les droits des auteurs et interprètes, la publication soudaine de cette circulaire, les dispositions qu’elle prévoit et la procédure instaurée pour le prélèvement de la taxe sont fortement décriées par les importateurs et distributeurs de produits et de matériel informatiques.
«Plusieurs opérateurs se sont retrouvés ces derniers jours avec des marchandises, notamment des ordinateurs, bloquées au niveau des ports», témoigne une source professionnelle. En fait, à la réception de leurs marchandises commandées avant la publication de la circulaire en question, ces importateurs n’avaient logiquement pas pu accomplir les nouvelles obligations déclaratives à temps, vu qu’ils n’ont pas été informés à l’avance de leur entrée en vigueur.
La circulaire prévoit, pour rappel, que le dédouanement des marchandises ne peut se faire qu’après que les agents de la douane se soient assurés que les obligations déclaratives ont été accomplies et que le montant correspondant a été réglé. Les opérateurs qui avaient déjà des réceptions en cours, programmées avant le 22 juin, n’ont tout simplement pas pu faire sortir leurs marchandises du port, car les nouvelles conditions légales n’étaient pas remplies.
Des délais de traitement trop longsL’autre point qui inquiète dans le secteur concerne la procédure. Selon la circulaire, les opérateurs doivent déposer leurs déclarations auprès du Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA). Celui-ci se charge du traitement des déclarations et fixe les montants de la redevance à payer. La procédure doit être enclenchée 20 jours avant le dépôt prévu de la déclaration d’importation, un délai trop long qui retarderait le processus d’approvisionnement et de livraison de la marchandise aux distributeurs.
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De plus, des questions se posent aujourd’hui quant aux capacités du BMDA à prendre en charge cette nouvelle mission. La circulaire en question appelle, certes, le bureau à créer des représentations au niveau des différents points d’entrée sur le territoire national. Mais ceci ne peut logiquement pas se faire du jour au lendemain et mettra du temps à se concrétiser.
Du pain béni pour l’informelSur le volet purement économique, une taxation des produits et matériel informatiques est de nature à alourdir leur coût qui, in fine, sera supporté par le consommateur. «Face à cela, il ne faut pas être surpris de voir l’informel, qui représente déjà plus de 30% du marché, gagner encore plus en importance», déplore un opérateur. «Cette décision tombe mal, très mal!», remarque un autre professionnel qui s’interroge sur la pertinence de cette mesure, sachant que le Maroc aspire à être un modèle de développement en matière de technologies de l’information en Afrique, mais pénalise aujourd’hui une de ses branches les plus importantes en alourdissant sa facture numérique.
Pour remédier à ces problèmes, «nous comptons proposer un arrangement des dispositions de manière à ce qu’elles ne restent pas contraignantes pour le secteur», nous confie la présidente de l’APEBI. Parmi ces propositions, il est espéré que les obligations en matière des déclarations soient revues. Au lieu de la procédure prévoyant le dépôt de la déclaration 20 jours avant l’importation, les professionnels devraient proposer d’établir une procédure de déclaration trimestrielle, en attendant sa dématérialisation via le système «Badr» de la douane. D’autres propositions devraient être faites pour exclure certains matériels comme les ordinateurs de la liste, ou encore pour instaurer un plafonnement de la taxe lorsque celle-ci est calculée en fonction des espaces de stockage.
Reste à savoir si l’APEBI et les professionnels sauront convaincre pour obtenir gain de cause. On devrait en apprendre davantage dans les prochains jours.