Deux ans après son entrée en vigueur, la loi 69-21 sur les délais de paiement continue de transformer, lentement mais sûrement, les pratiques interentreprises au Maroc. Mais si elle a posé les bases d’un assainissement attendu des relations commerciales, son impact reste freiné par des disparités sectorielles et les contraintes structurelles des PME, relève le magazine Finances News Hebdo dans une analyse.
Adoptée en juillet 2023, la loi visait à «renforcer la discipline financière entre entreprises et réduire le nombre de défaillances, dans un contexte post-COVID marqué par une inflation persistante et un accès au crédit plus difficile», rappelle Rochdi Chmali, fondateur du cabinet CLA Expact et expert-comptable, dans un entretien avec l’hebdomadaire.
Les chiffres confirment un premier frémissement. Selon Bank Al-Maghrib, le délai moyen de paiement est passé de 112 jours en 2022 à environ 96 jours fin 2023. Une tendance encourageante, même si elle reste encore éloignée des standards internationaux. «Ce recul est un indicateur positif d’un début d’assainissement des pratiques, mais les effets restent contrastés selon les profils d’entreprises», nuance Chmali.
En première ligne, les grandes entreprises et les multinationales ont largement entamé leur mise en conformité, portées par une organisation structurée et des moyens dédiés. «Des démarches internes ont été engagées, notamment la digitalisation du suivi des créances clients et une gestion plus proactive de la trésorerie, ce qui modernise les pratiques et clarifie les flux financiers», explique l’expert.
En revanche, pour une grande partie des PME, l’adaptation s’avère plus laborieuse. «Leur situation de trésorerie fragile, héritée de créances impayées antérieures à la loi et encore aggravée par les séquelles de la crise sanitaire, limite leur capacité à se conformer pleinement aux nouvelles règles», constate Chmali. Résultat: des disparités d’application persistent, notamment dans les secteurs composés majoritairement de petites structures moins formalisées.
Parmi les avancées notables, la clarification des clauses contractuelles et l’introduction de sanctions, désormais au profit du Trésor public, ont permis de limiter certains abus. «Cela met fin à de nombreuses situations conflictuelles qu’on observait sous l’ancien régime, et l’implication de la DGI comme organe de contrôle est un levier d’efficacité supplémentaire», estime Chmali.
Pour accompagner cette transformation, le rôle de l’expert-comptable a été renforcé. Outre le visa obligatoire attestant de la conformité, Rochdi Chmali insiste sur «l’importance d’un dispositif de contrôle interne robuste, de la digitalisation des procédures et d’une gestion proactive des risques, autant de leviers pour sécuriser la trésorerie et éviter les décalages».
Mais pour que la loi tienne réellement toutes ses promesses, des ajustements restent nécessaires. «Renforcer les contrôles, clarifier les procédures et introduire une solution pour traiter le stock d’impayés antérieurs sont des chantiers prioritaires, de même qu’encourager les modes alternatifs de règlement des différends, comme la médiation ou l’arbitrage», plaide l’expert.
À moyen terme, une meilleure maîtrise des délais de paiement pourrait contribuer à réduire significativement le nombre de faillites, qui dépasse toujours les 12% par an depuis 2020. «Si le respect des délais devient la norme, c’est tout le climat des affaires marocain qui en sortira plus transparent, plus stable et plus attractif pour les investisseurs», souligne Chmali. «Mais pour cela, la réforme devra s’inscrire dans une approche plus globale, incluant notamment la digitalisation et la réforme fiscale».








