A croire qu’Ahmed Lahlimi sait faire aussi bien dans l’analyse des chiffres que dans l’humour. "Sans bouder notre bonheur pour de telles perspectives, il convient, cependant, de mesurer les défis qu’affronte notre pays et que peuvent, d’autant plus, porter les périodes fastes". Le ton choisi annonce la couleur. Et visiblement, Lahlimi compte garder des tacles en règle pour le gouvernement par rapport au modèle de croissance marocain.
VigilanceSelon le HCP , le gouvernement a intérêt à faire attention aux "retournements de conjoncture, aux incertitudes géopolitiques internationales, aux perspectives probables d’aggravation de la situation sécuritaire dans la région". Par conséquent, il faudrait "sauvegarder notre capacité nationale de mobilisation pour défendre notre pays et poursuivre les réformes structurelles nécessaires pour réduire les fragilités de notre modèle économique". Et face à la baisse continue de l’épargne, "la vigilance s’impose pour assurer la soutenabilité des finances publiques et de l’activité économique".
Coûts de gestion exorbitants de l’Etat: +7% par anDeuxième tacle à la mode Lahlimi : "le coût de gestion de l’Etat". A croire que Benkirane et son équipe aiment le gaspillage. En tout cas, selon le HCP, les charges de gestion n’ont cessé de peser sur les finances publiques. Entre 2010 et 2014, "la masse salariale, en particulier, a connu un taux moyen de progression annuelle de 7% pour représenter plus de 11% du PIB aujourd’hui, l’un des taux les plus élevés de la région".
L’endettement du trésor a ses limitesL’Etat doit faire appel aux recettes exceptionnelles qui ont fini par atteindre 1,7% du PIB. Et s'endette. Cependant, avertit le HCP, "la capacité d’endettement du Trésor atteint ses limites. Le taux d’endettement du Trésor a augmenté de 14 points du PIB entre 2010 et 2014". La seule stabilisation de ce taux implique que le déficit primaire, qui avait atteint une moyenne de 3% du PIB, entre 2010 et 2014, soit ramené à un surplus de 0,8% du PIB. C’est donc devenu intenable et on risque de baisser les investissements pour sauvegarder les équilibres.
Tacle contre Bank Al MaghribAprès le gouvernement, c’est à la Banque centrale que Lahlimi s’attaque. En effet, selon le HCP, "parier sur la politique monétaire pour relancer la demande intérieure et la production serait plutôt problématique". Le HCP évoque notamment la croissance des taux de crédit qui ont augmenté de 15% par an entre 2000 et 2008 (sic !) et qui progresse de 3,5% aujourd’hui. On ignore d’où les analystes du HCP tirent de tels chiffres, puisque mathématiquement rien un taux de croissance de 7% pendant 7 ans correspond au doublement des taux d’intérêt. Donc on l’aurait constaté. Quoi qu’il en soit, ils notent que la réduction du taux directeur ne devrait pas infléchir la tendance haussière des taux. Selon eux, c’est la contraction des avoirs en devises et donc la baisse de la liquidité qui explique cette hausse des taux d’intérêts. Et c’est donc à ce niveau qu’il faut agir.
Faiblesse de l’épargnePour le HCP, l’équation est beaucoup plus simple qu’il n’y parait. Tout tient dans l’épargne pour que l’on évite les déconvenues. "Les fragilités de notre modèle de croissance et de notre cadre macroéconomique trouvent leur origine dans la faible capacité de notre pays à dégager l’épargne nécessaire pour créer son financement endogène". Il faut que l’on oriente les facteurs de production vers des secteurs qui dynamisent l’économie. Le HCP rappelle par exemple que les gains issus de la baisse des prix du pétrole auraient dû faire gagner 2 points de croissance. Malheureusement, du fait des importations, 1,6 point va à l’étranger, au moment où l’économie nationale ne profite que pour le 0,4 point restant.